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Psychosomatique et dermatologie. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.

samedi 7 juin 2025 - 17:31
LA PEAU, MÉTAPHORE DE LA RELATION. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves. « Frontière entre soi et l’autre » pour certains, « saturée d’inconscient » pour d’autres, la peau, le « Moi-peau », peut aussi devenir peau intuitive et apaisée. Entre rougeurs, brûlures et zona, variations sur la peau métaphore avec une dermatologue qui accompagne ses patients dans une bulle hypnotique partagée...

La notion du sensible de cet organe peau, le sensible chez l’humain, me questionne depuis le début de mes études de dermatologue. Cette perception qui permet de s’accorder dans la relation et mobiliser les ressources vivantes des personnes est une façon d’aborder plus globalement le patient. En tant que thérapeute, je vis l’utilisation de l’hypnose, de l’HTSMA/TLMR (hypnose, thérapies stratégiques et mouvements alternatifs/Thérapie du lien et des mondes relationnels), de la thérapie narrative (TN), comme une autorisation. C’est une invitation à déployer la dimension naturelle de l’éprouvé, pour un partage, plus authentique, avec les patients. Aider à recréer le lien humain porteur de vie, dans toute sa singularité et sa diversité, m’inclure dans le processus vivant qui touche, transforme et fait croître. La peau est un organe de toucher, au propre comme au figuré, ce qui faisait dire à Paul Valéry : « ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est sa peau ». Histoire de toucher physique, de toucher psychique, chez Didier Anzieu dans son Moi-peau (1). La peau est un énigmatique support d’inscription, mais aussi une surface pour cacher, protéger, éprouver la relation, le lien à l’autre, à soi, au monde. Elle métaphorise la question de la relation et de l’autonomie relationnelle. Une partie de l’inconscient est corporelle, dit Milton Erickson. « La conscience corporelle est orientée vers l’ajustement relationnel et l’homéostasie » (2). Par la peau, nous éprouvons le contact avec nous-mêmes, les autres, ou parfois leur absence. Le corps éprouve des sensations, il perçoit des émotions. Ce peut être une information intuitive profonde au travers du vécu d’un dysfonctionnement corporel. Cette capacité relationnelle, médiée par l’imaginaire, est altérée lors des processus psychosomatiques.

La notion de traumatisme complexe prend en compte la somatisation comme une tentative de solution face à des situations de stress ou peurs récurrentes. La peau métaphorise. Et la métaphore est un bon médiateur pour convoquer alors l’imaginaire chez les patients. Dans le concret de la séance, en mobilisant le sensible et l’affect, la métaphore partagée crée des ponts entre le corps et l’esprit pour embarquer des mouvements de vie. Elle recrée des relations vivantes, dans un espace-temps où le problème n’est pas présent. Dans les séances, la première étape est d’accorder un soin particulier à installer une relation thérapeutique. Il s’agit de faire émerger une relation entre le patient et le thérapeute suffisamment sécure pour en faire un socle de confiance. C’est un lien qui est d’ailleurs questionné très régulièrement lors des entretiens (3)...

La deuxième étape a pour but de défusionner le patient de son problème. Il s’agira de faire émerger le contexte du problème, afin d’éviter de travailler sur l’identité de la personne, en allant voir ce qui vient se mettre en lien avec la problématique, et le patient ; observer alors la forme que cela prend. En TLMR, cela se travaille sur une scène imaginaire. En TN, le patient n’ayant pas accès au départ aux intentions positives, différentes portes d’entrée vont être possibles (4). La TN ou la TLMR tiennent compte du rythme du patient, et des processus de vie qui émergent au fur et à mesure des interactions. Dans le premier entretien, je me sers parfois de petits exercices hypnotiques pour faire éprouver au patient une expérience de calme (ou de « plus calme »), malgré son problème, même par une petite partie du corps, de façon à commencer à créer des expériences alternes qui vont tester l’accordage patientthérapeute, et peut-être aussi faire apparaître un objectif pour la séance.

CAS CLINIQUE 1 : LAETICIA ET ÉRYTHRO-COUPEROSE

Entre rougeurs et transparence, comment être en relation avec l’autre ? Laeticia, 42 ans, une très jolie femme, vient pour des rougeurs chroniques du visage (érythro-couperose) qui la gênent. Elle précise : « J’ai l’impression que ces rougeurs viennent révéler aux autres la gêne que j’éprouve dans les moments émotionnels. » Les questions des effets secondaires des traitements sont mises au devant de l’échange. La patiente se montre méfiante. Je propose un traitement par laser vasculaire pour effacer les traces rouges. Deux séances viennent à bout du problème. Je témoigne à Laeticia du fait qu’elle ait une peau plus belle au bout d’une séance. Ça la touche beaucoup.

Et à deux mois après la deuxième séance :
- Thérapeute : « Votre peau a retrouvé sa transparence, votre teint est beau, qu’en pensez-vous ? Je la sens insatisfaite, en désarroi...
- Laeticia : Je pensais que la gêne allait disparaître avec le traitement... Mais il n’en est rien... Ça a réactivé quelque chose que je connais déjà : je ne me sens pas vue... je me sens transparente... encore plus mal qu’avant... » (« Effacer les rougeurs, une tentative de solution », me dis-je...) Nous convenons de nous revoir cette fois-ci en entretien. Le questionnement du « je me sens transparente » se met en lien avec « difficulté de se mettre en relation ».


- Laeticia : « Je n’aimais pas mes rougeurs, pourtant les rougeurs montraient que j’existais, quelque part. D’ailleurs, depuis que je n’ai plus de rougeurs, j’ai de plus en plus de douleurs diffuses. » (Il s’agit de douleurs connues, sur un corps surentraîné de marathonienne.) Insatisfaction du résultat cutané, et déplacement du symptôme... Je réalise à quel point un problème esthétique peut être en lien avec une vulnérabilité sous-jacente, un traumatisme. La peau, comme les autres organes, transcrit à sa façon toutes les informations qui nous traversent. La poétique des organes emprunte les voies, quelque part, entre intéroception, extéroception, proprioception, inflammation, nociception... Laeticia passe de « j’ai des rougeurs » (un symptôme qui porte la relation : j’existe, je me sens en lien mais par l’intermédiaire de la gêne liée à mes rougeurs) à la situation « je n’en ai plus, et c’est le vide relationnel qui s’installe ».

- Laeticia : « C’est ancien ce sentiment d’être transparente. Pourtant, j’aimerais prendre mon envol, être plus autonome et indépendante, reprendre les manettes, reconduire, par exemple, mais je suis seule, je ne me sens pas soutenue. J’ai des douleurs et je me sens seule, car mes proches ne partagent pas mes souffrances. J’ai peur de m’enfermer dans cette situation... » Elle a peut-être encore plus peur d’en sortir... prise entre son désir d’acquisition de la liberté dans la relation, et la prison d’un monde abandonnique. Elle éprouve sa vitalité en se dépassant par le sport à outrance. Elle me fait remarquer qu’elle a la sensation de ne même pas écouter le corps dans la souffrance du sport. Elle s’en coupe, de cette souffrance, en y exerçant son contrôle. La peau apaisée, ça lui parle de quoi ? Non pas de la tranquillité à laquelle elle croyait accéder, mais de son monde abandonnique. Elle ne peut donc pas se réjouir d’un compliment ; elle ne peut pas l’entendre, le recevoir dans l’histoire dominante dysfonctionnelle qui vit encore au travers d’elle. Ses parents ont divorcé quand elle avait 6 ans. Elle dit avoir été « la béquille » de sa mère, prise dans une relation fusionnelle compliquée. Nous ferons un pas supplémentaire vers l’éprouvé de « je me sens transparente » lorsque Laeticia revoit une scène, un soir bien particulier où elle attendait sa mère...

Elle avait mis la table comme tous les soirs et avait préparé un bon repas surprise. La maman, en rentrant, décline le cadeau du repas à partager, car elle dit avoir un rendez-vous à l’extérieur avec un homme. « Mon rayon de soleil », comme elle nommait sa mère à ce moment, la quitte. « Tu vas passer la soirée chez la voisine », lui dit sa mère. A cette évocation, une douleur envahit la poitrine de Laeticia. Je lui demande si elle a besoin de mon aide dans le cadre de cette séance, là où elle en est. Elle acquiesce. Nous prenons tout le temps dont elle a besoin pour qu’elle se connecte à cette douleur et la tristesse en lien, pendant que je l’accompagne avec des mouvements alternatifs oculaires. Laeticia se met à mieux sentir la présence dans ses pieds, puis ses jambes. La respiration se libère, circule dans le corps. Peu à peu, lorsque l’intensité de l’émotion diminue et qu’elle devient mobilisable, je lui propose de choisir l’une de ses mains et d’y « déposer la tristesse ». Ensuite, de déposer le dos de sa main sur la paume de la mienne, tout en portant son attention à l’espace entre nos deux mains, et à la sensation ressentie en retour. (Cette modélisation de TLMR travaille le lien à l’autre, en accompagnant le déroulement des ressentis.)


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Dr VÉRONIQUE BONNET Médecin dermatologue, hypnothérapeute, installée en libéral à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines). Formée à l’hypnose à la Pitié-Salpêtrière, et en HTSMA à l’Institut Miméthys. Membre de l’Association française de dermatologie psychosomatique


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06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze 

10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy 

12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen 

14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot 

28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy 

40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet

52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot 

71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann 

78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann 

94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine 

106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup 

120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot


134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly 

146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov 

152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits 

164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy 152 / Poême Ce corps K. Ficini
 
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Psoriasis géant. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.

samedi 7 juin 2025 - 17:09
DE LA PENSÉE OPÉRATOIRE À LA PENSÉE SYMBOLIQUE PAR LA THÉRAPIE DU LIEN ET DES MONDES RELATIONNELS (TLMR). Avec la pensée opératoire, les affects et les émotions n’ont pas leur place, et le corps peut devenir un terrain propice aux manifestations somatiques. Face à ce fonctionnement mental pauvre en imaginaire, la TLMR permet de raccorder le patient au « monde relationnel », comme le montre le cas de Martine souffrant d’un psoriasis à plaques géant. La notion de pensée opératoire est une construction conceptuelle introduite par les psychosomaticiens, notamment dans le cadre de l’Ecole de Paris de psychosomatique, pour expliquer les particularités cognitives et affectives des patients présentant des troubles psychosomatiques. La pensée opératoire se réfère à une manière de penser caractérisée par une pauvreté symbolique et une prédominance de l’action ou de la réalité concrète sur l’élaboration psychique. En effet, elle désigne un fonctionnement mental marqué par une pauvreté de l’imaginaire et du symbolique, une tendance à l’éviction des affects, au profit d’une description factuelle et pragmatique des événements et par une prédominance du concret sur l’abstrait, où les situations sont analysées en termes de faits et non à partir de leur résonance émotionnelle ou symbolique. En clinique psychosomatique, cette forme de pensée est souvent associée à une incapacité à verbaliser les émotions, qui peut aller jusqu’à l’alexithymie, et à un fonctionnement psychique tourné principalement vers l’action. La pensée opératoire s’installe souvent dans un contexte psychique et relationnel spécifique caractérisé par une :
• défaillance de la mentalisation (environnement familial dysfonctionnel avec des difficultés à nommer et à contenir les affects de l’enfant, entravant le développement de la capacité à penser et symboliser) ;
• prédominance des réponses somatiques : dans l’enfance, lorsque les émotions ne peuvent pas être intégrées psychiquement, elles s’expriment souvent par le corps. Cela devient un mode d’expression privilégié.
D’une manière globale, la pensée opératoire peut également être une manière de faire face aux traumatismes psychiques. En effet, en évitant la réflexion sur des émotions douloureuses, le patient se réfugie dans une pensée utilitaire et sans affect. Dans le cas des troubles psychosomatiques, le patient éprouve des difficultés à identifier, différencier ou exprimer ses émotions. Ceci est un aspect central de la pensée opératoire. Le patient va souvent décrire ses symptômes ou les événements de manière détachée, sans leur associer une dimension émotionnelle. Le langage privilégié sera celui du descriptif et du factuel, sans recours au langage métaphorique ou à une élaboration symbolique. Les conflits psychiques qui ne trouvent pas de voie d’expression par la pensée ou le langage vont se décharger par le corps. Cela explique la survenue de manifestations somatiques dans des contextes émotionnels complexes ou stressants. Lorsque la pensée opératoire domine, les émotions non exprimées ou non reconnues se manifestent directement par des symptômes physiques. Ce fonctionnement mental limite les capacités du sujet à transformer ses expériences internes en récits signifiants, ce qui aggrave la vulnérabilité au stress. Enfin, le déficit dans l’expression émotionnelle peut entraîner des incompréhensions ou des malentendus dans les relations interpersonnelles. La Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR), qui a déjà fait l’objet de nombreux articles précédemment dans la Revue, est une approche thérapeutique innovante qui se distingue par plusieurs aspects originaux, à la croisée des dimensions relationnelles, émotionnelles et systémiques. Elle est une thérapeutique de choix dans le traitement des troubles psychosomatiques en se centrant sur ce qui fait lien ; aussi bien sur le plan intrapsychique qu’interpersonnel. Plutôt que de se focaliser uniquement sur l’individu ou sur ses symptômes, elle met en lumière la qualité des liens que la personne établit avec les autres, avec elle-même, avec le monde auquel elle appartient. Le lien devient le point de départ et le fil conducteur de l’exploration thérapeutique.
Nous partons du postulat que chaque individu évolue au sein de différents contextes relationnels qui représentent les espaces où se construisent et s’expriment nos relations (couple, famille, monde professionnel, relations amicales, etc.). L’ensemble de ces contextes et leurs interactions entre eux viennent structurer et enrichir ce que l’on appelle un « monde relationnel ». L’intérêt majeur de cette approche réside dans l’exploration de ce monde relationnel afin de mieux comprendre ses règles implicites et ses dynamiques spécifiques et comment l’individu interagit au sein et avec ce monde.


Vignette clinique
Afin d’illustrer au mieux les propos ci-dessus, je vous propose de suivre une première séance que j’ai eu l’occasion de réaliser avec une patiente souffrant de psoriasis...

Martine a 57 ans. Elle est séparée et à deux enfants. Depuis de nombreuses années, elle est suivie par un dermatologue pour un psoriasis à plaques géant au bras droit. Celui-ci démarre du poignet et s’étend jusqu’en haut de l’épaule et occupe la surface interne et externe du bras. Elle a déjà bénéficié ultérieurement de séances de psychothérapie principalement basées sur la parole. Elle dira que d’une certaine manière cela lui allait bien puisqu’elle n’avait pas besoin de trop ressentir les choses. Pour rappel, le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau, non contagieuse, qui se manifeste par des plaques rouges recouvertes de squames blanches ou argentées. Ces plaques peuvent apparaître sur différentes parties du corps, notamment le cuir chevelu, les coudes, les genoux, le bas du dos, ou encore les ongles. Il se manifeste par une accumulation de cellules mortes à la surface de la peau, formant les squames. Malgré de nombreux traitements principalement à base de crèmes ou pommades et quelques périodes de rémission, Martine ne voit pas de franche amélioration. Elle se sent très gênée, voire honteuse, surtout en période estivale lorsqu’elle doit se dévêtir. Voici donc le script de la séance (MO pour mouvements oculaires)...
- Thérapeute : « Bonjour Martine !
- Martine : Bonjour !
- Th. : Est-ce acceptable pour vous de m’expliquer en quelques mots ce qui vous amène aujourd’hui ?
- Martine : Oui, bien sûr. C’est mon dermatologue qui m’a conseillée de venir vous voir.
- Th. : Oui...
- Martine : Voilà, je souffre d’un psoriasis au bras droit (elle tire la manche de son pull vers le bas en même temps qu’elle parle). Cela fait longtemps que j’ai ça.
- Th. : Quand vous dites longtemps, c’est combien longtemps ?
- Martine : J’ai 57 ans… je dirais depuis une bonne trentaine d’années au moins. Au début ça allait, mais cela n’a fait que grandir au fur et à mesure.
- Th. : D’accord. Nous pouvons revenir un instant sur les raisons qui ont poussé votre dermatologue à vous adresser vers moi ?
- Martine : Oui.
- Th. : Imaginons que votre dermatologue soit présent avec nous ici, maintenant, qu’est-ce qu’il nous dirait de votre venue ?
- Martine : Je crois qu’il dirait qu’il ne sait plus quoi faire avec moi et c’est pour cela qu’il m’envoie vers vous.
- Th. : Oui, j’entends, mais il sait que je ne suis pas médecin mais psychologue ?
- Martine : Oui, oui... Je crois qu’il pense que mon problème est psychologique.
- Th. : Et qu’est-ce qui l’amène à penser ça ?
- Martine : Je sais pas...
- Th. : Et vous, qu’en pensez-vous ?
- Martine : Je suis sceptique... Je ne vois pas en quoi un problème de peau pourrait être psychologique... J’ai déjà fait quelques séances avec un psy mais ça n’a rien donné...
- Th. : Si j’ai bien compris, c’est ce que pense votre dermatologue qu’il y aurait un lien entre ce problème et le psychologique ?
- Martine : Apparemment oui !

- Th. : Et vous avez confiance dans son jugement ?
- Martine : Même si je reste sceptique, j’ai confiance dans son avis. Il m’a toujours beaucoup soutenue, même dans les moments de dépression.
- Th. : De dépression ?
- Martine : Bah oui ! Des fois j’en ai tellement marre de ce truc que ça me rend triste.
- Th. : Et c’est le cas à cet instant ? La tristesse est présente ?
- Martine : Oui... (elle retient ses larmes).
- Th. : Dans ce qui est en train de se passer là, maintenant, Martine, avez-vous besoin d’aide ou bien vous gérez la situation ?
- Martine : Non, non, ça va, je gère. -Th. : Très bien, OK. Martine, puisque vous faites confiance à votre médecin et en son jugement, comment allons-nous pouvoir nous appuyer dessus afin que cet échange vous soit le plus utile ?
- Martine : S’il m’a dit de venir vous voir, c’est qu’il sait ce qu’il fait. Donc je suis prête à essayer.
- Th. : Quand vous dites “essayer”, vous voulez dire quoi ?
- Martine : Bah, que peut-être il y a un lien entre mon “pso” et ce qu’il y a dans ma tête.
- Th. : Et quel lien faites-vous s’il y a un lien ?
- Martine : Je sais pas... C’est pas clair (des larmes montent à nouveau).
- Th. : Martine, est-ce que vous acceptez que je puisse vous proposer quelque chose pour nous aider à continuer ?
- Martine : Oui.
- Th. : Martine, est-ce acceptable pour vous que votre main droite vienne se déposer paume vers le haut dans ma main gauche ?
- Martine : Oui (sa main se dépose timidement).
- Th. : Est-ce acceptable si nous partageons, vous et moi, ce que cela a comme effets lorsque nos deux mains sont en contact ?
- Martine : Oui... C’est un peu étrange. C’est un peu comme si ma main voulait se poser complètement mais que ma tête disait “non, faut pas”.
- Th. : Vous m’autorisez à partager ce qui est présent chez moi ?

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Stéphane ROY Psychologue, psychothérapeute, docteur en psychologie. Il est aujourd’hui installé en cabinet libéral. Il est formateur et codirige l’Institut Mimethys.

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06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze 

10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy 

12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen 

14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot 

28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy 
40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet


52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot 

71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann 

78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann 

94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine 

106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup 

120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot


134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly 

146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov 

152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits 

164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy 152 / Poême Ce corps K. Ficini
 
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Corinne ou l'importance du dialogue stratégique. La tâche thérapeutique des 30 minutes du pire.

lundi 28 avril 2025 - 20:21
Revue Hypnose et Thérapies Brèves 76. « Peurs-peurs-peurs »... tout un mécanisme de peurs dans lequel la patiente Corinne se débat. Peur de l’abandon, peur de la mort, de la dépression... et pour seule stratégie, s’infliger de la douleur pour calmer ces peurs. Un entretien basé sur « l’Expérience émotionnelle correctrice » a pour but d’inverser le mécanisme. On a longtemps affirmé, ou plutôt, il m’a semblé souvent entendre, que dans le modèle de Thérapie stratégique, issu du MRI (Mental Research Institute) de Palo Alto, il fallait trouver le paradoxe préalable, ainsi que la Tentative de solution inefficace (qui se reproduit sans cesse face au même problème), puis de déjà la stopper dans un premier temps, et enfin de « confronter », d’« exposer », ou encore de « provoquer » le patient, en lui proposant parfois (mais pas systématiquement) une solution (ou tâche) paradoxale...

Le tout avec toujours beaucoup de bienveillance, comme aime à le souligner notre ami Yves Doutrelugne, grand expert de cette pratique. Nous avons tous en tête le jeune Erickson et son fameux « Veau » (que vous trouverez sans effort sur Internet, pour ceux qui souhaiteraient se rafraîchir la mémoire...), ainsi que bien d’autres analogies ou métaphores, que chaque formateur aime utiliser afin d’illustrer cette démarche. Démarche qui, si elle est effectivement implacable, n’en est cependant pas si simple à mettre en oeuvre, et nous en avons tous fait l’expérience, car s’il suffisait simplement de suivre et d’appliquer une « méthode » ou encore un « process », nous pourrions nous contenter de dire alors à ce patient, souffrant de troubles anxieux depuis des années : « Ecoutez-moi bien, mon cher Monsieur... il convient de stopper vos tentatives d’évitement, quelles qu’elles soient, et puis ensuite simplement de vous confronter à vos peurs... Et tout ira bien, le tour sera joué... Voilà tout... » CQFD. C’est facile...

On vient d’inventer « le fil à couper le beurre », comme le dirait mieux que moi Dominique Megglé. Dans l’exemple clinique dont je vais vous parler, la tâche thérapeutique des « 30 minutes du pire », bien connue, très largement documentée, et enseignée dans tous les bons instituts, repose surtout et avant tout sur un « Dialogue stratégique » qui va conditionner la disponibilité du patient à exécuter cette tâche... Comme vous le constaterez, cette « conversation en entonnoir » va bien au-delà d’une simple discussion, il s’agit d’une communication hypnotique sans transe formelle. Cette conversation provoque une activation cognitive qui induit une « Expérience émotionnelle correctrice ». Et c’est bien cette expérience « incarnée » (qui se passe avant tout dans le corps) qui va amener, ici, la patiente à accepter cette tâche thérapeutique comme étant la seule alternative possible à l’issue de l’entretien.

Comme nous l’a redit Giorgio Nardone, lors de sa venue à Nantes en septembre dernier : « Ne vous y trompez pas, cette conversation qui amène le patient à ressentir cette Expérience émotionnelle correctrice est une induction hypnotique. » Cet entretien, comme vous le constaterez, est ponctué de nombreuses pauses (« ... »), que vous pourrez également respecter en le lisant. Ces pauses, comme le disait Alain Vallée, sont parfois essentielles à la fluidité du discours et permettent bien souvent aux phrases de rentrer dans le corps... Tout en donnant au thérapeute le temps de réfléchir... La patiente s’appelle Corinne, elle a 66 ans, et je la rencontre pour la première fois.

- Thérapeute : « Qu’est-ce qui vous amène ?
- Corinne : Quand j’ai pris rendez-vous c’était pour une autre raison, mais maintenant je ne sais plus trop… Depuis quatre semaines, je suis rentrée de vacances et j’ai pris la décision de rompre d’avec mon compagnon. Il est plus âgé que moi de dix ans, ça fait sept ans qu’on est ensemble, et ça ne va plus depuis déjà trop longtemps… Et là j’ai pris la décision de me séparer, je lui ai dit qu’on devait faire une pause, mais je sais bien que c’est fini pour moi... Et je ne sais pas comment je vais m’en sortir.
- Th. : OK... Vous me dites que vous avez pris rendez-vous pour un problème, et que depuis, il y a eu quatre semaines… Et que depuis vous avez pris la décision de rompre… Et que depuis vous savez plus trop, ni surtout comment vous allez vous en sortir... C’est bien ça ?
- Corinne : Oui…
- Th. : Et dans la situation de maintenant, pour vous, le problème… celui qui une fois réglé vous rapporterait le plus… sans pour autant oublier les autres… Pour vous, là, maintenant… ça serait quoi ?…
- Corinne : Je crois que c’est ça, cette rupture… Et en même temps que c’est en lien avec mes problèmes d’avant.
- Th. : OK… Et ça vous ennuie si je vous demande “c’est quoi” vos problèmes d’avant ?
- Corinne : C’est ma peur de la mort, et aussi et surtout la peur d’être abandonnée.
- Th. : Et vous pouvez m’en dire un peu plus sur ce que c’est… chez vous… la peur de la mort, la peur de l’abandon... et peut-être d’autres peurs, que vous avez encore ?
- Corinne : Oh, oui. J’en ai plein d’autres vous savez… Je sais même pas si on aura assez de temps aujourd’hui pour que je vous parle de tout ça.
- Th. : Ah bon ? C’est autant que ça ? Vous savez moi j’ai appris à être très patient avec mon métier… Récemment j’ai soigné un patient qui était venu avec un carnet, dans lequel il avait répertorié 43 situations… Oui… 43 situations, toutes concrètes, toutes valides. Et vous savez… aujourd’hui il parvient de nouveau à sortir de chez lui progressivement… Et il recommence à faire face… petit à petit… sans forcément que ça marche à chaque fois… A tout un tas de situations auxquelles il n’imaginait pas, auparavant, être en mesure de se confronter de nouveau… Et ça semble déjà être beaucoup plus satisfaisant pour lui…
- Corinne : Oui, vous savez, ça fait depuis l’âge de 15 ans que je vis avec toutes ces peurs. La raison je la connais bien, et c’est pour ça que j’ai jamais consulté jusque-là. Mon père, ou plutôt celui que je croyais être mon père, ce n’était pas mon vrai père... Et je l’ai appris comme ça, là, à l’âge de 15 ans... Et alors vous savez, ça n’a pas été facile de vivre avec ça, je me suis ensuite mariée, j’ai eu des enfants, mais j’ai toujours eu plein de peurs qui se sont développées à partir de ce moment. Tout un tas de peurs que j’avais pas avant… Peur que mon mari me quitte, peur de mourir, peur de me retrouver seule... Celle-là je crois que c’est la pire… Peur pour mes enfants… Et alors plus tard, j’ai essayé de retrouver mon géniteur, et ça n’a pas bien fonctionné… Il m’a répondu, mais il m’a dit que je ne faisais partie de sa vie que “virtuellement”… Virtuellement… Vous vous rendez compte, alors que moi je suis bien réelle… Mes parents eux n’ont pas compris ma démarche, ils m’ont même trouvée idiote de faire ça… Et mon père d’adoption, celui que j’ai toujours appelé “papa”… lui… il m’en a même voulu…
- Th. : OK… Et vous me dites que d’avoir retrouvé votre géniteur et tout ça… Sur vos mécanismes de peur… ça n’a tout simplement pas fonctionné… C’est ça ?
- Corinne : Oui, c’est ça...
- Th. : Comme si parfois on cherchait dans le passé une solution au problème de maintenant. Et que ça ne marche pas ?
- Corinne : Oui, effectivement...
- Th. : Et vous avez raison… Ça ne marche pas… Et si vous me le permettez, je vous poserais même encore une autre question ?...
- Corinne : Oui, bien sûr. Allez-y...
- Th. : Et si… avoir retrouvé votre géniteur… et toutes les conséquences que ça a pu avoir sur vous, sur vos parents, etc... ça pouvait avoir eu un tout petit impact sur votre problème… sur vos peurs… Pour vous, cet impact… ça a été mieux ou ça a été pire ?…
- Corinne : Pire, bien sûr…
- Th. : Et pendant tout ce temps, pendant toutes ces années, quand toutes ces peurs revenaient, et je vous crois qu’il peut y en avoir eu beaucoup… Comment est-ce qu’elle faisait cette personne, pour en atténuer le signal ?
- Corinne : Ça va paraître idiot ce que je vais vous dire... mais je me suis toujours servi de la douleur…
- Th. : De la douleur ?
- Corinne : Oui… Un jour j’ai découvert que quand je me faisais mal… ça calmait ma peur… Un peu comme un “contre-feu”…
- Th. : Et je peux vous demander comment vous procédez ?
- Corinne : Oh, rien de bien compliqué… Je me cogne la tête… comme ça… en arrière… Pour que ça se voit pas trop… ça peut arriver quelquefois que je me fasse des marques, alors je le fais vers l‘arrière…
- Th. : OK… Alors ce que vous me dites… si je comprends bien, c’est que pendant toutes ces années, et pendant tout ce temps, le moyen que vous, vous avez mis stratégiquement en place, à chaque fois que vous faites… Ça vous va si on appelle ça des crises ?
- Corinne : Oui…
- Th. : Comme des “attaques de panique” peutêtre ?
- Corinne : Oui, c’est tout à fait ça.
- Th. : Alors, si je comprends bien, le moyen stratégique, chaque fois que vous faites ces crises, ces attaques de panique… Eh bien vous vous faites mal… Comme ça (avec la gestuelle), en vous cognant la tête en arrière ?
- Corinne : Oui, c‘est ça…
- Th. : Une fois ? Plusieurs fois ?
- Corinne : Très souvent plusieurs fois… Une bonne dizaine de fois au moins la plupart du temps…
- Th. : OK… Merci pour ces précisions… Et que ça… se cogner jusqu’à dix fois la tête en arrière… Eh bien ça casse la crise et qu’ensuite la plupart du temps vous reprenez le cours de votre journée ? Ou de votre nuit ?…
- Corinne : Oui, c’est ça… Sauf que ça n’a pas été tout le temps autant présent dans ma vie…
- Th. : OK… Et là avant de m’appeler, c’était comment ?
- Corinne : Vous savez, depuis que je suis avec Henry, c’est beaucoup moins, peut-être une fois par semaine, ou trois-quatre fois par mois…
- Th. : OK... Mais là vous avez peur que ça soit beaucoup plus…
- Corinne : Oh oui... Et ça… ça me terrorise…
- Th. : OK… Je comprends mieux maintenant en quoi c’est si important pour vous de venir me voir là… en ce moment… alors que vous avez pris la décision de rompre avec Henry… Et que ça vous fait craindre de nouveau de refaire encore plus de crises, et tout et tout…
- Corinne : Oui, c’est tout à fait ça… En plus j’ai déjà assez transmis ces angoisses à ma fille, et maintenant je m’occupe souvent des mes deux petits-fils, je ne voudrais pas leur montrer ce spectacle.
- Th. : Et vous avez bien raison évidemment… Et je ne sais pas pourquoi, mais tout ça… ça me fait penser, vous savez… à ces jeunes adolescentes qui mettent des sweat-shirts à manches longues en plein été, vous savez… Juste pour masquer leurs avant-bras… plein de traces comme ça (gestuelle de scarification...).
- Corinne : Oui... J’en ai entendu parler…
- Th. : Parfois c’est aussi juste comme ça (gestuelle de “claquage”), elles font des trucs avec des élastiques qu’elles se “claquent” tout le temps sur leurs poignets, ou même parfois elles vont jusqu’à se faire de plus grosses entailles avec des compas, ou des rasoirs... Elles ont 13- 14-15 ans… Et au moment où c’est vraiment pas facile d’avoir cet âge de nos jours, tout simplement… Alors elles vivent une période de leur vie où juste… elles ressentent de la peur, ou même un peu de tristesse… Alors elles ne comprennent pas… Et parfois leur entourage et les docteurs eux-mêmes ne comprennent pas… Alors elles se disent : “chuis nulle, je devrais pas ressentir ça”... Et elles trouvent un petit moyen, souvent comme ça, par hasard un jour, ou parce qu’une copine leur a montré, de diminuer cette peur ou cette tristesse quand elle arrive… Alors elles se mettent à le faire, à le faire… Au début ça les soulage, mais plus elles le font, et plus elles se disent que c’est nul de faire ça… Et ça... de votre point de vue… ça a quel effet sur la peur ou la tristesse ?…
- Corinne : Ça ne fait que les amplifier…
- Th. : Tout a fait… Et si je comprends bien… et vous me corrigez si je me trompe… vous... pour qui jusque-là c’était à peu près acceptable, avec trois-quatre crises de panique par mois, vous avez peur... Et à juste titre, que votre situation de maintenant, et vous savez de quoi vous parlez, elle convoque de nouveau toutes ces peurs : abandon, mort, séparation, etc. Et que vous n’allez pas arrêter de vous mutiler si on ne vous aide pas à faire autrement ?…
- Corinne : Je sais pas comment le dire plus juste…
- Th. : Et s’il y avait un moyen de faire différemment ?… De faire autrement ?… Qu’avec la douleur... La douleur comme un “contrefeu”… la douleur comme un évitement ?… Ça vous dirait d’essayer ?… Vous seriez prête ?… Prête à avancer, vous aussi… Doucement, progressivement, sans que ça soit efficace à chaque fois au début, et à obtenir quelque chose de déjà plus digne, de plus satisfaisant ?…
- Corinne : Oui, je veux bien... Je crois que je suis prête maintenant…
- Th. : OK… Et ça vous ennuie si on commence dès aujourd’hui ?
- Corinne : Non… On peut y aller… »
- Th. : « OK… Alors comme ça, juste pour commencer… Bien sûr on pourra vraisemblablement pas faire l’inventaire de tout et il y a sûrement des choses qu’on va oublier… Mais déjà en deux-trois points, est-ce que vous pouvez me parler là… maintenant… des choses qui vous terrorisent le plus…
- Corinne : Déjà, c’est la mort…
- Th. : La mort pour vous ou la mort des autres ?...
- Corinne : Je peux commencer par vous dire que j’ai très peur pour moi. Peur du néant, de la décomposition, de la pourriture, de ce qu’on devient après… Et aussi qu’est-ce qu’on a été avant… C’est vrai quoi… on sait qu’on va tous y passer, ça on le sait, on peut rien y faire… Et pourtant... Ça me hante quand j’y pense… Et quand ça vient… j’arrive pas à penser à autre chose…

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Dr Thierry PICCOLI Médecin omnipraticien depuis 1998, formé aux thérapies brèves et à l’hypnose (ARePTA, EDP, Gema...). Exerce à côté de Nancy en libéral ainsi qu’en institution. Intervient également dans des ateliers d’intervisions sur cas cliniques, au sein de son CMP, et dans un groupe de pairs nancéien.

Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°76 version Papier N°76 : Fév. / Mars / Avril 2025

Effet placebo, dialogue stratégique.


Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°76 :

. Dominique Megglé est parti quelques jours en mission avec MacGyver pour trouver le secret de la thérapie réussie. Cet article concerne tous les bricoleurs avisés, adeptes du couteau suisse de la relation humaine. Dominique est revenu de sa mission avec une grande découverte : le placebo. Comment faire pour retrouver cette piste ? Il nous suggère d’accepter d’être « démuni, pauvre, à sec, sans idée », pour pouvoir bricoler « comme un cheval adroit ou un chien de chasse rusé ». La technique pour la technique, voilà le piège.

Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.

Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.

Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée.  Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.

Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.

Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.

Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.

Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.

Livres en bouche

Illustrations de Caroline Berthet

Le Kotéba thérapeutique au Mali. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 76.

lundi 28 avril 2025 - 20:20
Une troupe de théâtre vient, sur la « Colline du savoir », à la rencontre d’un ou plusieurs patients hospitalisés, expliquent un psychiatre et un comédien engagés depuis des années dans une démarche thérapeutique singulière au Mali. Acteurs, chanteurs et musiciens se rassemblent autour de malades, accompagnés parfois de soignants, dans un lieu protégé, au sein de la section psychiatrique de l’hôpital de Bamako.

Dans une écoute qui est autre, usant avec douceur de chants et de proverbes, ils préparent une représentation qui sera jouée plus tard, à ciel ouvert, au centre de la structure hospitalière constituée en « village psychiatrique », sur une large place centrale bordée de différentes salles de consultation. Le kotéba thérapeutique, tel est le nom de cette approche, mettra en scène ainsi, au moyen de petites pièces chantées et jouées, de mimes, de saynètes comiques et burlesques, de déclamations parfois appuyées de proverbes connus ou encore de devinettes, les difficultés d’un patient telles qu’exprimées par celui-ci. Dans l’intimité du lieu, les malades racontent en effet parfois aux comédiens ce qu’ils ne disent pas aux médecins ou à leur famille, ou ce qu’il est impossible de dire dans la société.

Ainsi sont dévoilés problèmes relationnels, souffrances, possession, jalousie, abandon, malédiction ou mise à l’écart de la société... Les comédiens définissent alors les thèmes et les grandes lignes de ce qui sera joué sur la place centrale, sans décor et avec des accessoires rudimentaires. Rompus à cet exercice, ils utilisent, avec les médecins, les différentes étapes de ce théâtre pour entraîner le patient, sa famille et les soignants dans le jeu de scène. A l’appel du tambour annonçant l’imminence de la représentation, malades, personnels de soin, familles, visiteurs de l’hôpital approchent, certains se mettent à danser. Tous ceux qui le souhaitent assistent à ce jeu et peuvent y participer à leur guise. Les comédiens endossent certains rôles au sein de ce spectacle aux contours déterminés à l’avance qui laissent cependant la place à l’improvisation. Ces rôles sont récurrents et emblématiques : chef du village, resituant ainsi le patient dans un contexte défini, adjoint au chef du village, femme du chef de village et, selon les situations, mari volage, ivrogne, marabout, mère abandonnant ses enfants, sorcier, voleur... Le théâtre s’intéresse au présent.

Dans une situation au départ banale, les comédiens introduisent le problème apporté par le patient. Celui-ci participe à la scène, il joue, il danse, son corps est pris dans des relations presque oubliées par les gestes qui se déploient et par des contacts physiques inhérents au théâtre ; écouté, il occupe un autre rôle, se repositionne dans le tissu relationnel en jeu ; stimulé par les interactions qui se déploient, il trouve des solutions aux difficultés jouées grâce à ce qui est proposé dans la représentation, à quelques mimes ou proverbes énoncés. Il est encore porté par les réactions du public qui devient cothérapeute, au même titre que le sont les comédiens, les malades qui se joignent à la pièce spontanément, les équipes de soin ou les familles présentes. Et surtout on rit de ces saynètes au ressort comique, de ces farces parfois grotesques.

Cette approche, mise en place il y a une cinquantaine d’années dans l’hôpital, prend en charge les patients qui étaient délaissés, isolés dans leur pathologie. Elle est inspirée du théâtre traditionnel profane du même nom, le kotéba, joué il y a encore quelque temps dans les villages et dont l’origine se situe dans le Pays bambara. Ce théâtre, représenté au moins une fois par an, avait pour particularité, selon les spécialistes, de réguler les tensions et de renforcer la cohésion sociale au sein des communautés.

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Dr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND Médecin-psychothérapeute depuis 1991, hypnothérapeute, thérapeute systémique de famille et de couple, à Paris en libéral. Formatrice, elle reçoit des professionnels en supervision. Formée à l’Institut Milton Erickson de Paris et par Mony Elkaïm, sa pratique clinique s’inspire de la pensée de François Roustang. Membre de la Société française de Thérapie familiale. Anthropologue des religions et diplômée de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

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Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.

Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.

Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée.  Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.

Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.

Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.

Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.

Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.

Livres en bouche

Illustrations de Caroline Berthet

Prendre en compte l'interaction. L'attention portée sur les relations. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

jeudi 24 avril 2025 - 11:39
En cas de blocage avec un patient, dans le cadre d’une thérapie brève, la solution peut consister à élargir la focale en s’intéressant aux interactions avec toutes les personnes impliquées. Illustration à travers quatre histoires de la force de la thérapie brève stratégique. A partir des années 1950 et 1960, les pionniers de ce qu’on appelle aujourd’hui « la thérapie brève » ont commencé à expérimenter des façons de penser et de pratiquer la thérapie qui heurtait les idées, les théories et les pratiques communément admises dans le champ clinique à leur époque. L’expression « thérapie brève » faisait alors figure d’oxymore, tant il était admis qu’une thérapie digne de ce nom se devait d’être une entreprise au long cours si elle visait un travail « en profondeur » et un changement durable... L’idée qu’un thérapeute puisse, par ses interventions, faire émerger un changement rapide et durable a mis beaucoup de temps à être acceptée au sein de notre culture, et elle n’est probablement pas encore tout à fait admise. Mais il ne s’agit, de loin, pas là de la seule transgression proposée par le modèle de Palo Alto vis-à-vis d’une pratique plus « orthodoxe » de la thérapie.

Pour n’en citer que quelques-unes, parmi les plus importantes :

• S’autoriser à travailler avec les proches du pa- tient pour l’aider à résoudre son problème .
• Renoncer à la recherche des prétendues « causes profondes » passées, enfouies ou refoulées, pour privilégier un travail sur les manifestations actuelles et observables du problème.
• Considérer que toute prétendue connaissance de soi – ou de l’autre – n’est jamais qu’une construction, qu’une autotromperie, plus ou moins utile pour la personne, et ne peut donc jamais être considérée comme « vraie » ou « fausse ».
• Ne pas considérer que la solution viendra nécessairement de la personne elle-même, et donc s’autoriser à être injonctif.
• Pratiquer la manipulation, à la manière d’Erickson, se muer en thérapeute caméléon et renoncer à l’idéal d’authenticité dans la communication.
• Considérer l’inconscient comme une ressource, comme un réservoir de possibilités, et non plus, comme l’avait fait Freud, comme le lieu pathologique de tous nos refoulements.
• Ne pas s’intéresser aux prétendues « pathologies » des patients mais à ce sur quoi l’intervenant va pouvoir s’appuyer pour faire évoluer leur situation.
• Enfin, se focaliser sur l’interaction plus que sur les individus, pris isolément, avec leurs soi-disant caractéristiques et problématiques « intrinsèques ». Et c’est sans doute surtout là la différence qui fait le plus de différence en termes de regard et de pratique thérapeutiques, comme j’aimerais l’illustrer dans cet article à travers quatre vignettes cliniques. Il sera d’abord question d’un jeune homme de 19 ans, déscolarisé, qui souffre d’anxiété et de terribles maux de ventre. Nous parlerons ensuite d’une septuagénaire qui se plaint de pensées obsessionnelles à propos de sa sœur, pensées qui nourrissent chez elle une anxiété chronique. Le troisième cas concernera un jeune de 15 ans souffrant d’obésité morbide, placé dans un foyer pour adolescents en raison de sa « toute-puissance » et de sa violence. Enfin, nous évoquerons un jeune de 12 ans, qui souffre d’angoisses de mort et d’isolement social...

PREMIÈRE VIGNETTE : MARTIN EXPRIME DE TERRIBLES MAUX DE VENTRE


Martin, 19 ans, est déscolarisé depuis plusieurs mois. Il va très mal et dit ne rien pouvoir faire en raison de terribles maux de ventre... Il est le deuxième fils d’une fratrie de quatre enfants, dont les parents traversent une séparation extrêmement difficile. Martin vit chez son père. Ce dernier, entrepreneur dans le bâtiment, s’inquiète beaucoup de l’état de son fils... Le père a emmené Martin consulter de nombreux médecins, qui sont unanimes : les douleurs dont souffre le jeune homme sont d’origine psychosomatique.

La séparation avec la mère est vraiment difficile pour Martin, mais il ne souffre clairement d’aucune « maladie ». Ses maux de ventre, son abattement, sont attribuables à des causes « émotionnelles ». Le papa essaie de pousser Martin vers un retour à l’école ou vers toute autre forme d’activité, il lui dit qu’il n’a rien, que c’est dans sa tête, qu’il doit se bouger, s’activer s’il veut aller mieux... Face à ces exhortations répétées, Martin se replie toujours plus dans sa chambre, exprime toujours plus de maux de ventre, se lève de plus en plus tard... En même temps le papa gâte beaucoup son fils, car il voit qu’il va de plus en plus mal et aussi parce qu’il culpabilise de toutes les conséquences pénibles que la séparation fait subir à Martin.

Petit à petit, Martin se mure de plus en plus dans le silence, il coupe toute communication avec son père, qui insiste maintenant, en vain, pour l’amener à consulter un thérapeute. C’est donc le papa qui finit par consulter lui-même une thérapeute, ne sachant plus comment faire pour aider son fils à sortir de cette situation délétère. Pour la thérapeute, le père est donc la seule porte d’entrée dans la situation problématique, puisque Martin, convaincu qu’il souffre d’une maladie « physique » qui n’a pas encore pu être diagnostiquée, refuse obstinément de consulter un « psy », un « hypnothérapeute », ou tout autre professionnel de la relation d’aide, et que la mère de Martin, en conflit ouvert avec le père, refuse catégoriquement de s’impliquer dans une démarche initiée par son futur ex-mari. Dans une situation de ce type, la thérapeute n’a pas d’autre option que de s’appuyer sur la relation entre le père et le fils si elle veut avoir la moindre chance d’avoir une influence sur le mal-être du jeune...

Elle examine donc les tentatives de solution du père, dans le but de modifier l’interaction en amenant le père à se repositionner différemment avec son fils. Dans l’interaction actuelle, plus le fils dit être en difficulté, plus le père minimise la « réalité » de ses troubles, le pousse et l’exhorte, et plus en réaction le fils va mal et s’éloigne de son père, etc. Le comportement de l’un déclenchant le comportement de l’autre, dans un processus de rétroaction par feedback positif qui maintient le problème. La thérapeute commence donc par essayer d’amener le père à arrêter de minimiser la souffrance de son fils.
« Vous êtes rassuré, lui dit-elle, sur le fait que sur le plan médical il n’y a rien, mais quand on dit à Martin qu’il n’a rien, ça le rend plus anxieux, car lui a la perception qu’il a quelque chose. Du coup, il ne peut plus vous parler, il ne se sent pas compris, et il se renferme de plus en plus... » Elle invite donc le père à tenir à son fils le discours suivant : « Les médecins n’ont pas trouvé ce qui ne va pas chez toi, mais moi je vois que tu souffres énormément et que tu n’es pas capable de faire plus pour le moment... »

Elle l’invite également à arrêter de solliciter Martin « pour son bien », mais de plutôt commencer à lui demander de l’aide pour lui-même : « Je sais que tu ne vas pas bien et je n’ose pas te le demander... mais est-ce que tu pourrais aller chercher ta sœur après son cours d’arts martiaux ? » Et Martin va chercher sa petite sœur... « Je ne sais pas comment tu vas aujourd’hui, mais j’ai un super problème au travail... J’imagine que tu ne pourras probablement pas le faire, mais je te demande au cas où... » Martin commence alors à se tester et à faire de plus en plus de choses. Il commence peu à peu à travailler avec son père et finit par rénover un appartement avec lui. Les maux de ventre ont progressivement disparu, alors que la relation entre père et fils, au départ très complémentaire, évoluait vers davantage de symétrie. Au lieu de lui donner beaucoup, en position haute, tandis que son fils, intimidé, recevait en position basse, le père a commencé à moins « gâter » Martin et a continué à lui demander de l’aide : « Je ne peux pas te donner une voiture, par contre ton grand-père a une vieille voiture qu’il faudrait aller chercher et réparer... Et j’aurais peut-être un studio dans lequel tu pourrais t’installer, mais il y a tant de travaux à y faire et je n’y arriverai pas seul... »

Dans cette situation où Martin n’était pas un candidat pour l’hypnose médicale, la thérapie brève, cette approche de « thérapie indirecte » a été extrêmement utile, et a permis au père de ne plus voir son fils à la dérive et au jeune de commencer à affronter les choses et à gagner en confiance.

DEUXIÈME VIGNETTE : NICOLE ET SA « MAUDITE » SŒUR QUI A ENVAHI SA VIE


Passons maintenant à Nicole, septuagénaire, qui a, depuis l’enfance, toujours été extrêmement jalouse de sa sœur adoptive, qui lui a, explique-t-elle, « volé ses parents ».

Depuis qu’elle est devenue mère, Nicole a aussi eu le sentiment que sa sœur lui volait une part importante de l’amour de sa propre fille, et récemment, depuis que cette dernière est enceinte, Nicole vit dans l’angoisse permanente que sa sœur lui vole bientôt l’amour de sa petite-fille. Elle ne pense en permanence qu’à sa maudite sœur, elle se dit obsédée par elle ! Furieuse, elle nous parle d’une photo de mariage, qui trône dans le salon de sa fille, sur laquelle sa sœur figure en bonne place à côté des mariés, alors qu’elle – qui est quand même la mère de la mariée – se situe en périphérie, et est littéralement « coupée en deux » en marge de la photo. Nicole nous explique qu’elle n’a de cesse d’essayer de limiter l’influence de sa sœur sur sa fille, en cherchant, dans la mesure du possible, à l’éloigner physiquement, mais pour son malheur sa fille adorée a développé une relation très complice avec sa tante, avec qui elle passe volontiers une soirée autour d’une bonne bouteille de vin...

Nicole essaie également de faire comprendre à ses proches à quel point sa sœur est une mauvaise personne et à quel point elle l’a fait souffrir tout au long de sa vie... Son mari la comprend et lui dit partager son avis, mais Nicole nous explique que plus elle cherche à éloigner sa sœur de sa fille, et plus elles semblent devenir complices ; plus elle cherche à expliquer à sa fille à quel point cette femme est foncièrement mauvaise et dangereuse, et plus sa fille prend la défense de sa tante. Dans cette situation problématique complexe, qui implique plusieurs interactions entremêlées, la thérapie brève stratégique est, là encore, un modèle intéressant, car elle permet de réduire la complexité à travers une grille de résolution de problèmes rigoureuse : qui est demandeur d’aide ? Nicole. Quelle est sa plainte ? « Ma sœur a complètement envahi ma vie ! »

Que fait-elle pour essayer de lutter contre cette situation ? Elle essaie de mettre en œuvre des stratégies pour réduire son influence sur sa famille et elle en parle en permanence avec ses proches. C’est donc sur ces tentatives de solution que l’équipe thérapeutique focalisa ses interventions. Lors des premiers entretiens, nous avons commencé par amener Nicole à moins parler de sa sœur avec son mari, en lui faisant remarquer : « Si nous comprenons bien, déjà que votre sœur, cette sorte de “coucou”, vous gâche énormément la vie... à chaque fois que vous en parlez à votre mari, c’est un peu comme si vous l’invitiez dans votre salon, voire même dans la chambre à coucher... » Nous sommes aussi parvenus à l’amener progressivement à percevoir le côté contre-productif de trop chercher à décrédibiliser sa sœur aux yeux de sa fille, car « cela revient à prendre le risque de passer pour une femme aigrie, jalouse et mesquine, et à faire passer votre sœur pour une victime innocente de votre vindicte ».

Après quelques séances, Nicole nous présente une situation typique du type de problèmes qu’elle rencontre avec sa « maudite » sœur : suite à un concours de circonstances, elle a été amenée à organiser, chez elle, un repas de famille auquel sont conviés, notamment, sa fille et son conjoint, ainsi que sa redoutable sœur. Depuis qu’elle sait que ce repas va se dérouler chez elle, elle n’en dort plus la nuit, car elle craint que sa sœur n’en profite, une fois de plus, pour « prendre toute la place », pour se mettre en avant et pour lui gâcher cette fête de famille dont elle se réjouissait tant... Nicole essaie d’échafauder divers plans pour limiter la capacité de nuisance de sa sœur, et essayer d’éviter notamment, tant que faire se peut, qu’elle ne se retrouve assise à côté de sa fille... Sentant à quel point cette réunion de famille vient raviver la souffrance de Nicole, nous la voyons aussi comme une opportunité qui pourrait lui permettre de se positionner différemment, vis-à-vis de sa sœur, pour la première fois en plusieurs décennies, et per- mettre ainsi à cette relation de commencer à se transformer.

Mais un tel repositionnement nécessiterait une attitude tellement à l’opposé de ce qu’envisage à ce stade Nicole, que nous avons dû l’amener avec beaucoup de précautions.

Voilà comment nous avons procédé : « Nous comprenons bien que cette perspective d’ac- cueillir votre sœur, ce coucou, chez vous pour cette réunion de famille vous préoccupe énormément et que vous vous demandez comment vous positionner... Nous aurions bien quelque chose à vous proposer, qui pourrait vous per- mettre de reprendre le contrôle de la situation, et de ne plus être le jouet de votre sœur... mais nous pensons que c’est encore trop tôt, que vous n’êtes pas encore prête, et que si nous vous le proposions, vous nous diriez : “Alors là non, tout sauf ça !”. »

Cette entrée en matière en forme de défi et de freinage, visant à mobiliser la patiente, produisit l’effet escompté chez Nicole, qui nous somma avec insistance de lui dire, tout de suite, ce qu’elle devait faire. Nous lui avons alors proposé de se comporter, elle, en souveraine clémente et généreuse lors du repas, et de réserver à sa sœur la place de choix, au centre de la table, à côté de sa fille, plutôt que de chercher à la reléguer dans un coin. « Ainsi, vous montrerez à tous que vous n’êtes pas cette femme jalouse et mesquine mais bien celle qui maîtrise la situation et vous pourrez regarder votre ennemie en face, avec un grand sourire. » Nicole suivit notre conseil, et revint à la séance suivante ravie de la façon dont s’était passée cette soirée, au cours de laquelle, nous dit-elle, sa sœur s’était comportée très agréablement et avait su, pour une fois, « rester à sa place »...

Ce fut une phase décisive pour l’évolution de cette situation relationnelle rigidifiée depuis plus de cinquante ans ! Là encore, c’est en s’intéressant aux interactions avec toutes les personnes impliquées dans la problématique que les thérapeutes purent amener Nicole à se sortir progressive- ment sa sœur de la tête.

TROISIÈME VIGNETTE : CHRIS SANS LIMITES DANS SON SENTIMENT DE « TOUTE-PUISSANCE »

La situation suivante s’inscrit dans le cadre de la supervision d’une équipe éducative au sein d’un foyer pour adolescents. Chris, un jeune de 15 ans souffrant d’obésité morbide, a été...

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Guillaume Delannoy Directeur adjoint de l’Institut Gregory Bateson (IGB) et président de l’Association vaudoise d’intervention et de thérapie systémique (AVDITS). Enseigne la thérapie brève et l’hypnose à des professionnels de la relation d’aide dans le cadre des formations de l’IGB ainsi qu’en tant que chargé de cours dans plusieurs universités en France, en Suisse et en Belgique. Responsable du centre de thérapie brève de l’IGB à Lausanne, il intervient dans l’accompagnement de personnes et d’équipes en difficultés dans leur contexte professionnel et supervise plusieurs équipes socio-éducatives en Suisse romande et en France. Auteur et coauteur de plus d’une vingtaine d’articles sur la thérapie brève de Palo Alto.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Livres en bouche
Résumé

Le souffle de la guérison au Népal. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

jeudi 24 avril 2025 - 11:38
Deux anthropologues nous content les pratiques chamaniques qui avaient lieu, il y a encore quelques années, au sein de différentes ethnies du Népal. Dans la communauté Tamang, vivant dans le nord-est du pays, les bampos, ceux « qui détiennent le savoir », pratiquent des rituels de guérison. Voyageant dans le monde de l’Invisible, secondés par leurs ancêtres, ces chamans interviennent auprès des dieux, pourvoyeurs ou guérisseurs de maladies, ou auprès des démons et entités maléfiques, responsables de troubles graves voire voleurs d’âmes. Appelé auprès d’une personne souffrante, le bampo accomplit immédiatement les gestes appris de ses maîtres passés. Une fois le diagnostic posé grâce à une prise de pouls décisive, le chaman récite ses mantras, des formules secrètes, magiques, inintelligibles au commun des hommes, et les accompagne d’un souffle long et appuyé, dirigé sur la région malade de la personne. Il effectue ce souffle guérisseur par cinq fois, la dernière de façon plus prononcée et doublée d’un geste « magique » sur la partie souffrante, mimant le fait d’en extirper le mal. Le chaman transmet par son souffle, par les sons et mots qu’il émet, le pouvoir guéris- seur des dieux.

Au terme de ces cinq souffles, le trouble est chassé, l’ordre est rétabli. Ainsi en est-il pour des pathologies « bénignes », douleurs, cauchemars violents récurrents... Le bampo applique, si nécessaire, un onguent végétal sur une plaie, des cendres sur une région douloureuse, ou passe sur le corps des plumes d’oiseau au pouvoir purificateur. Il faut parfois répéter ce rituel sous une forme plus dramatique et de nuit, le chaman alors déployant, de surcroît, des chants au rythme tenace tout en enveloppant le patient de fumée d’encens. On voit poindre, dans cette cérémonie réalisée dans l’obscurité du soir, des éléments hypnagogiques dépassant la simple pratique suggestive des premiers soins.

Dans les pathologies sévères, diabète, troubles neurologiques, douleurs chroniques... relevant de l’action d’entités malveillantes, le bompo doit organiser des séances destinées à combattre ou repousser les démons du monde de l’Invisible, à ramener l’âme du patient dérobée par ces derniers. Les prépara- tifs de cette cérémonie nocturne demeurent discrets ; seuls les tambours avertissent les villageois que famille, parents et amis sont rassemblés autour d’une personne malade, et qu’un rituel de guérison débute et durera jusqu’au matin. Nombreux viennent assister à cet événement, assister au sens réel du terme car chacun, adulte ou enfant, participe à sa manière au bon déroulement de la séance, en interaction avec le rituel.

Celui-ci, quels que soient chamans et pathologies concernés, comporte des invariants constitutifs d’un récit, métaphore de la guérison, qui est mis en acte et dont les moments thérapeutiques sont aisément reconnaissables. On installe le patient au centre de la pièce, assis sur une natte à même le sol, la tête recouverte d’un linge ; le chaman s’assoit à ses côtés. Devant eux par terre, un « autel » est édifié sur lequel sont posés divers objets rituéliques ainsi que des statuettes modelées, effigies des démons à combattre ; des diagrammes, représentations cosmiques, sont tracés avec des poudres colorées. L’espace thérapeutique est délimité. Le bampo porte en bandoulière sur l’une et l’autre épaule deux grosses lanières garnies de grelots et cloches, croisées sur son buste, un collier de grosses graines, un chapelet de cent huit perles. Il frappe maintenant son tambour à deux faces à l’aide d’une baguette en fer recourbée ; accompagné de ses assistants, il chante. Bientôt son corps, ses genoux se mettent à trembler.

Secoué de soubresauts, sa respiration haletante, il joue alors seul, de plus en plus fort, de plus en plus vite, prononçant des onomatopées scandées. Il est en transe. Cloches et grelots de ses lanières sonnent fort, ils disent que le chaman est en contact avec son ancêtre tutélaire. Possédé et guidé par celui-ci, le bampo est alors en mesure de mener le processus de guérison ; il peut voyager dans le pays de l’Invisible, négocier avec les esprits, combattre et éloi- gner les démons, rapporter l’âme volée. Afin d’attirer et concentrer les Forces protectrices de l’Autre Monde, il danse autour du patient et de l’autel, dessine avec son tambour des cercles au-dessus de la tête du sujet puis effectue, à l’extérieur de la maison, des danses spectaculaires. Puis le bompo réalise enfin le rituel du souffle déjà cité, accompagné de fumigations d’encens et de chants. Le chaman trace ensuite sur le sol...

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Dr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND Médecin-psychothérapeute depuis 1991, hypnothérapeute, thérapeute systémique de famille et de couple, à Paris en libéral. Formatrice, elle reçoit des professionnels en supervision. Formée à l’Institut Milton Erickson de Paris et par Mony Elkaïm, sa pratique clinique s’inspire de la pensée de François Roustang. Membre de la Société française de Thérapie familiale. Anthropologue des religions et diplômée de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
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Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Livres en bouche
Résumé

La relation au coeur de la psychothérapie.

mercredi 16 avril 2025 - 22:13
APPORT DU QUESTIONNEMENT DE REMEMBERING. Charlotte THOUVENOT pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Conversations en échafaudage et carte du remembering sont décrites dans ce texte comme des atouts pour redonner sens à l’existence de personnes en souffrance. En se construisant une autonomie relationnelle, elles peuvent sortir de la dépendance aux autres et du monde de la maladie. « Toute la psychopathologie peut être pensée comme l’expression de cette contradiction : soit il y a une relation et pas d’autonomie, et nous sommes dans le monde de la maltraitance, le sujet étant réduit à un objet, soit nous sommes dans un monde où l’autonomie est pensée sans relation possible, et nous avons le monde abandonnique ».

La carte du remembering permet de travailler les relations en psychothérapie et contribue à la construction de l’autonomie relationnelle du patient, autonomie relationnelle qui lui permettra de sortir du monde de la pathologie. La carte du remembering, ou conversation de regroupement, est issue des pratiques narratives de Michael White. Ces cartes permettent, lorsque la personne est en souffrance, de déployer le discours pour redonner du sens à des parties de vie inexplorées par la personne. Ces parties de vie sont inexplorées car elles tombent à côté des croyances de la personne qu’elle a sur le monde ou sur elle-même. Une fois la lumière mise sur ces parties de vie inexplorées, alors la personne va pouvoir reprendre de l’initiative dans sa vie, et être l’auteur de sa vie.

CAS CLINIQUE 1

Une femme de 25 ans, diagnostiquée schizophrène il y a dix ans, vient consulter parce qu’elle pense que tout le monde lui veut du mal (pensées paranoïaques qu’elle critique), ce qui entraîne de l’agressivité verbale avec les autres alors qu’elle sent avoir besoin de relations pour se sentir en sécurité. Elle souhaite réussir à être mieux en relation, plus sereine. Sa pathologie est bien équilibrée, elle a conscience et une bonne connaissance des difficultés liées à la schizophrénie, elle a un poste aménagé au travail.
- Thérapeute (a) : « Avez-vous récemment quelqu’un dans votre entourage personnel ou professionnel qui vous a aidée spontanément ?
- Patiente : Oui, j’ai une collègue, lorsque j’ai changé de poste.
- Th. : Pouvez-vous m’en dire plus sur la manière dont elle vous a aidée ?
- P. : Elle a pris pas mal de temps à m’expliquer, à répéter et elle revenait même me voir pour savoir si j’arrivais bien.
- Th. (b) : Est-ce qu’elle aide tout le monde de la même manière ?
- P. : C’est vrai qu’elle aime bien aider, mais certaines personnes elle leur apprend et ne retourne pas les voir. Elle passe même moins de temps. C’est vrai, elle m’a aidée différemment.
- Th. : A votre avis, qu’est-ce qu’elle a vu en vous qui a fait cette différence ?
- P. : En fait elle vient souvent vers moi, depuis le midi nous avons de plus en plus mangé ensemble et elle m’a dit qu’elle appréciait mon caractère, que j’étais drôle, que je la fais souvent rire et ça la détend.
- Th. (c) : Et à votre avis, qu’est-ce que cela lui a fait que vous acceptiez son aide ainsi, ses moments où elle vient vers vous ?
- P. : Ça lui fait plaisir.
- Th. (d) : Vous pensez que ça renforce certaines choses auxquelles elle porte de la valeur dans sa vie ?
- P. : Oui, la solidarité. Elle m’a déjà raconté que c’était important pour elle de se soutenir les uns les autres, de soutenir les personnes qu’on apprécie, parce que ça permet de traverser les difficultés plus facilement. Elle sait de quoi elle parle car elle en a traversé des difficultés. »

DESCRIPTION DES CONVERSATIONS EN ÉCHAFAUDAGE ET REMEMBERING

Dans son livre Cartes des pratiques narratives, Michael White décrit « les conversations en échafaudage » qui, à mon sens, constituent la toile de fond de chaque carte narrative. C’est cette manière de questionner qui va permettre de dégager les intentions et les valeurs de la personne, c’est-à-dire qui est la personne à partir de ce qu’elle vit et comment elle le vit. Michael White distingue cinq niveaux qu’il gradue du plus bas (niveau 1) au plus haut (niveau 5) niveau de distanciation. Le mot « distanciation » est à prendre au sens d’abstraction, de capacités métacognitives, associatives et d’imagination (capacités à se projeter dans le futur). Avoir les informations du niveau inférieur est nécessaire pour faciliter cette distanciation et permettre d’accéder à l’implicite, à ce qui est latent, dans l’événement et qui est mis en lumière lors de l’entretien, d’où le terme d’« échafaudage ». L’obtention d’une description riche et fine d’un événement permet de sortir des discours naturalistes et familiers pour favoriser l’attribution de nouvelle(s) signification(s) à l’événement (bas niveau de distanciation, niveau 1). De ces nouvelles significations pourront émaner d’autres événements spécifiques qui seront en lien avec le premier, il sera donc possible de les catégoriser en fonction de leurs caractéristiques communes ou divergentes (niveau moyen de distanciation, niveau 2).

Ce tissage d’événements réalisé à partir des similitudes et des différences permettra une prise de conscience globale qui a un sens spécifique et incarné pour la personne du fait des questions précédentes (niveau moyen-haut de distanciation, niveau 3). C’est de cette prise de conscience que la personne va pouvoir déduire des conclusions identitaires qui lui conviennent et se raconter une histoire qu’il préfère (haut niveau de distanciation, niveau 4), pour enfin élaborer des manières d’agir en accord avec cette histoire préférée (très haut niveau de distanciation, niveau 5). Michael White a été inspiré par le travail de Lev Vygotski, dans le sens où, par cette construction en échafaudage des conversations, le thérapeute amène peu à peu le patient à faire de nouveaux apprentissages.

Ce que Lev Vygotski nomme la « la zone proximale de développement ». Nous allons plus particulièrement nous intéresser à la carte du remembering, au regard de cette construction en échafaudage, pour focaliser sur ce que la composante relationnelle peut nous apporter en psychothérapie. Les quatre étapes de la carte du remembering à propos d’une personne ressource (PR) se composent ainsi : a. les actions de la PR dans la vie du patient, comment PR contribue/a contribué à la vie du patient ; b. ce que PR reconnaît de l’identité du patient pour agir ainsi ; c. comment le patient a agi face à cette(ces) contribution(s) de la PR dans sa vie ; d. quel aspect de l’identité de la PR cela vien-til renforcer.

RECOUPEMENT THÉORIE ET PRATIQUE

Nous voyons que les deux premières questions (« avez-vous récemment quelqu’un dans votre entourage personnel ou professionnel qui vous a aidée spontanément ? » et « pouvez- vous m’en dire plus sur la manière dont elle vous a aidée ? ») permettent d’avoir une description du contexte (qui pourrait encore être plus détaillé), ce qui correspond au niveau 1 de l’« échafaudage ». La question « est-ce qu’elle aide tout le monde de la même manière ? » permet d’ouvrir une nouvelle signification. Elle est discriminante (discrimine comment PR agit avec la patiente vs les autres) et essentielle pour que ce soit une relation particulière (niveau 2).

La question amène même spontanément à d’autres événements, et si cela n’avait pas été le cas alors des questions auraient pu être posées pour apporter plus de consistance à cette relation particulière (également niveau 2). De cela la patiente va pouvoir prendre conscience de pourquoi cette personne agit de la sorte et l’attribution n’est pas naturaliste –parce qu’elle gentille – mais intentionnelle – parce qu’elle reconnaît et apprécie quelque chose en moi (niveau 3, étapes a et b du remembering). Des détours pourraient être faits pour explorer d’autres horizons : quand cette identité préférée s’exprime- t-elle ? est-ce que d’autres personnes reconnaissent cette identité qui lui est préférée ? a-t-elle des histoires à nous raconter lorsque cette identité préférée s’exprime et ce qu’elle ressent, ce que cela rend possible ? (niveau 4), pour ensuite questionner ce que cela rend possible dans le futur d’être connectée à cette identité préférée (niveau 5).

Revenons à la carte du remembering car la suite (c) est très importante pour que la patiente puisse ressentir la réciprocité des relations. En effet, elle n’est pas qu’une personne qui reçoit un service mais une personne qui contribue à la vie de la PR, dans le sens où accepter ce service permet à la PR de continuer à se définir. C’est accéder à une nouvelle signification (retour au niveau 2) qui va être épaissie lors de la dernière étape de la carte du remembering (d). Suite de l’entretien...

- Th. : « Donc si je comprends bien, en acceptant son aide vous renforcez sa valeur de solidarité ?
- P. : Je n’avais jamais vu les choses comme ça, mais c’est exact.
- Th. : Qu’est-ce que cela vous fait de voir les choses comme ça ?
- P. : Je me dis que c’est une relation sur qui je peux compter, et que je suis contente de pouvoir avoir cette place dans sa vie. Ça me donne de l’espoir pour d’autres relations.
- Th. : Et comment vous pourriez repérer ce genre de relation quand elle se présente ?... » Et un échange se poursuit en faveur des signes évocateurs de ce type de relation bilatérale. Cette question va permettre de tisser avec d’autres événements en faveur des signes évocateurs de ce type de relation bilatérale (niveau 3), ce qui va lui permettre de devenir plus experte à juger si elle est dans une relation menaçante ou non (niveau 4). De là est déconstruite cette histoire dominante qui s’imposait, « les autres me veulent du mal », en une histoire préférée de type « je peux avoir des relations sereines ». Puis les questions de niveau 5 sont ensuite explorées. Pour ancrer le niveau 5, ce schéma lui a été proposé pour qu’elle pense qu’à chaque fois qu’elle accepte l’aide de quelqu’un, ça lui fait plaisir (sourire sur le dessin), elle permet aussi à cette personne de renforcer une part d’elle qui lui est chère (coeur sur le dessin). Ainsi, plutôt que de se positionner dans une relation duelle où l’autre est menaçant, elle acquiert la capacité de se mettre dans un monde où les relations sont collaboratives. Je la revois un mois plus tard : sa relation avec cette collègue s’est renforcée, j’apprends que la relation avec son copain s’est apaisée (ce dont elle ne m’avait pas parlé au début, et la relation était mise à mal par ses pensées qu’il puisse aller voir ailleurs, lui faire du mal...) et elle a réussi à entrer en relation avec de nouvelles personnes sans que cela active d’angoisse liée à la paranoïa. Elle a repris le raisonnement que nous avions eu et elle se laisse le temps de décider si c’est une relation où il y a de la réciprocité. Elle a mis fin à son suivi parce qu’elle sentait avoir avancé et être bien dans ses relations aux autres, en ayant fait la part des choses entre une saine méfiance et une paranoïa abusive.

DÉTOUR EN POSITION DÉCENTRÉE INFLUENTE

Les conversations basées sur la pratique narrative permettent de rendre visible l’invisible dans le sens où une lecture intentionnelle est faite de faits qui ont été banalisés comme normaux. Cette lecture permet à la personne de se positionner dans sa vie dans les valeurs qui lui sont chères et de retrouver une certaine initiative perdue. Ceci est également possible par la posture du thérapeute qui est nommée « décentrée influente ». Michael White prend l’analogie d’un journaliste d’expertise. La position est décentrée (en tant que thérapeute) de ses croyances, ses représentations mentales, sa culture... car centrée sur celles du patient. Et influente car c’est le thérapeute, qui par le choix de ses questions, va choisir de s’orienter vers l’exploration de tel ou tel territoire de la vie de la personne mise dans l’ombre.

CONSTRUIRE L’IDENTITÉ FAVORITE DU PATIENT À TRAVERS LE REGARD DE L’AUTRE

Dans le cadre de la dépression, l’identité de la personne peut être saturée par une histoire dominante qu’elle se raconte à elle-même (« je suis nul.le », « je rate tout », « je n’ai pas de valeur »...) pour diverses raisons (maltraitance, carence affective...). Les voix de la dépression amènent de la dévalorisation. Comment une personne peut-elle sortir de cette conclusion identitaire négative alors qu’elle entend chaque jour, de son intérieur, les voix de la dépression ? Le détour de la relation, quand elle est présente, va permettre de contribuer à la déconstruction de cette conclusion identitaire négative. La carte du remembering utilisée dans ce cas nécessite un préalable : qu’il existe des relations sécures. S’il n’y a pas de relations sécures, alors elles sont à rechercher ou à construire comme vu plus haut.

CAS CLINIQUE 2

Hélène est une femme de 39 ans qui a été brutalement frappée par la dépression il y a trois ans. Elle se dit en dépression depuis vingt ans, mais avant elle arrivait à être le boute-en- train de ses amis et à assurer au travail. Elle est célibataire et n’a pas d’enfant. Il y a des antécédents de viol dans l’enfance….


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Charlotte Thouvenot Psychologue et psychothérapeute en libéral, spécialisée en psychopathologie de la cognition et en gérontopsychiatrie. Formée à l’hypnose et aux thérapies stratégiques, narratives et aux mouvements oculaires. Formatrice en hypnose et en thérapie narrative.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


Enfants et prescription de symptôme.

mercredi 16 avril 2025 - 15:48
COMMENT AMENER LES PARENTS À DEVENIR CO-THÉRAPEUTES Nathalie KORALNIK pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Quand peurs, cris, refus ou blocages mettent à mal la paix dans la famille, entraînant l’inévitable escalade entre parents et enfants, la solution peut venir de la prescription de symptôme. Une intervention qui peut paraître déconcertante, entre le virage à 180 degrés et le total contrepied. A manier avec bienveillance et subtilité. Dans l’approche interactionnelle et stratégique, la prescription de symptôme est une intervention thérapeutique de type paradoxal dont les variantes sont nombreuses... et toujours surprenantes. Dans cet article, je souhaite vous présenter une forme qu’il nous arrive souvent de prescrire à des parents d’enfants de tous âges qui consultent pour des problèmes récurrents, douloureux mais finalement très communs d’escalade symétrique, de disputes, de crises, des problèmes capables de mettre à mal la relation avec leurs enfants mais aussi de déteindre sur l’équilibre de toute la famille. Cette prescription, tout efficace qu’elle puisse être, est assez délicate à appliquer et il faut s’assurer que la personne qui consulte l’ait bien comprise, de sorte qu’elle puisse l’appliquer à bon escient pour en retirer tous les bienfaits... et retrouver davantage de paix dans la relation. Pour l’illustrer, trois histoires...

HISTOIRE DE CLAUDINE ET CHARLOTTE

Claudine, maman de deux filles respectivement âgées de 9 ans et de 6 ans, appelle pour prendre rendez-vous pour sa deuxième fille, Charlotte. Motif : « Charlotte, raconte Claudine, a un sacré cabochon, et lorsqu’elle n’est pas contente, elle peut hurler pendant longtemps. » Elle s’oppose fréquemment aux décisions des membres de sa famille, ce qui lui donne autant d’occasions de crier. Je lui demande tout de suite si Charlotte se plaint elle-même de quelque chose. « Absolument pas, répond Claudine. C’est pour nous (les trois autres membres de la famille) que c’est difficile. » Décision est prise de voir les parents seuls, dans le but de les outiller et de les embaucher « comme co-thérapeutes » afin d’aider leur fille. C’est ce que nous appelons une « thérapie indirecte », que nous pratiquons avec les personnes qui souffrent d’un problème et qui sont mobilisables lorsque le patient désigné ne veut pas ou ne peut pas venir consulter. J’ai choisi de vous présenter le cas de Claudine car il a une originalité : les parents (surtout la maman) se veulent compréhensifs, à l’écoute, leur éducation doit être positive ; une confrontation un peu énergique avec sa fille lui est impensable car assimilée à de la brutalité. Elle cède dans la plupart des cas, lorsqu’elle considère qu’elle peut laisser sa fille faire comme elle veut, mais tient bon parfois lorsqu’elle décide qu’elle n’a vraiment pas le choix.

Concrètement, lorsque Charlotte est mécontente, par exemple de devoir marcher dans la rue pour aller à un endroit où elle ne veut pas aller – comme à la bibliothèque pour rendre les livres empruntés –, elle hurle tout ce qu’elle peut tandis que sa mère (ou parfois son père) la traîne pour qu’elle avance. La dernière fois, elle s’est égosillée pendant vingt minutes, puis s’est plainte d’avoir mal à la gorge. Les passants la regardent, font parfois des commentaires, mais elle est dans sa bulle et ne semble pas en être affectée. Dans la plupart des familles, généralement, les tentatives de solution des parents consistent à ordonner à l’enfant de se taire puis à exploser dans une escalade symétrique lorsqu’ils n’en peuvent plus, ou alors à céder par lassitude et souvent par honte devant le regard d’autrui. Mais pas Claudine. Elle a compris qu’être frontale avec sa cabocharde de fille ne sert à rien, elle ne veut pas lui faire du mal psychologiquement, alors elle se tait, la tire effectivement pour la faire avancer tandis que la petite crie à qui mieux mieux jusqu’à ce qu’elle soit distraite par autre chose et arrête de crier.

Claudine raconte tout cela de manière assez placide, mais lorsque j’approfondis un peu elle avoue qu’elle est « fortement agacée ». Fortement agacée, mais elle ne dit rien. Et maintenant, il faut rejoindre Claudine, soigner la relation avec elle, lui faire sentir qu’elle a été entendue et comprise quant au problème pour lequel elle consulte, tout en commençant à intervenir sur sa perception : car nous devons guider la personne de manière à ce qu’elle fasse un 180 degrés par rapport à ses tentatives de solutions, c’est-à-dire carrément le contraire de ce qu’elle faisait jusqu’à présent et qui ne fonctionnait pas. Nous devons la rejoindre, l’accompagner et la conduire (« pacing and leading », comme le disait Milton Erickson), et dans cette communication le savoir-faire hypnotique a toute sa place. Je demande à Claudine :

- Thérapeute : « Pensez-vous que Charlotte n’a pas capté votre agacement ?
- Claudine : Si, si, elle l’a capté, même si elle est complètement dans son truc quand elle crie pendant si longtemps. En même temps, je ne vais pas l’empêcher d’exprimer son ressenti... J’ai une image de la petite Charlotte toute seule « dans son truc », dans sa transe de contrariété, de colère et de douleur.
- Th. : Non, non, bien sûr que non. Mais récapitulons un peu : Charlotte est contrariée, très contrariée, elle l’exprime, pour l’exprimer elle peut crier dans ce grand vide sidéral où personne ne lui dit rien, où finalement elle est prise dans sa colère, toute seule avec elle-même tout en étant dans le monde parmi les autres, et par ailleurs même si vous ne lui dites rien, elle sent bien que vous êtes agacée, que cela ne vous convient pas, finalement. Pour le dire autrement, d’un côté elle peut crier, de l’autre elle sait que cela ne vous va pas... »

En effet, comme nous l’a appris Paul Watzlawick, « on ne peut pas ne pas communiquer »... Nous voyons qu’à ce stade, en terme de dynamique interactionnelle, nous n’avons pas de franche escalade symétrique, où les deux protagonistes se livreraient à un bras de fer doublé d’une réelle dispute, mais nous n’avons pas non plus une franche relation complémentaire, où l’un des deux céderait au bénéfice de l’autre. C’est une symétrie plus larvée, où la maman tient son objectif mais ne dit rien car elle ne veut pas tomber dans le piège de forcer sa fille à ne pas crier, et où la fille fait à sa manière les pieds au mur mais où elle n’a pas d’autre choix, semble-t-il, que de crier jusqu’à n’en plus pouvoir. La maman a fait un choix éducatif plus permissif, dirions-nous, mais elle se tait. Et elle communique malgré elle un agacement, un « j’aimerais que tu te comportes autrement », et on la comprend ! On pourrait dire que ce qu’elle a mis en place, c’est quelque chose à mi-chemin entre la tentative de solution classique de l’escalade symétrique qu’elle veut éviter, et un 180 degrés accompli. Elle est coincée dans le dilemme suivant : « comme il est hors de question que je crie moi-même alors que ma fille crie, je me tais (mais ça n’est pas satisfaisant) ».

Nous sommes dans une relation complémentaire problématique car en contradiction avec ce qu’elle pense : « Si seulement elle pouvait ne pas crier ! » Ce qui représente tout de même une escalade symétrique. Et comme elle ne peut pas toujours laisser sa fille faire ce qu’elle veut (par exemple, la laisser seule dans la rue), elle la tire tandis que la petite résiste en criant (mais ça n’est pas satisfaisant non plus). Là aussi, nous avons une escalade symétrique. Telle est la dynamique interactionnelle du problème, sur laquelle nous allons calquer la dynamique interactionnelle de la solution de manière à faire vraiment quelque chose de différent par rapport à ce qui n’a pas fonctionné. Voici donc la prescription thérapeutique telle qu’elle a été donnée à Claudine :
- Th. : « Comme nous l’avons vu, Charlotte sent que vous espéreriez qu’elle se comporte autrement, mais comme elle est contrariée – et fâchée contre vous –, elle n’est pas près de vous faire ce plaisir. En même temps, il semble qu’elle puisse se retrouver comme coincée dans cette émotion de grande contrariété qui l’oblige à hurler dans la durée, jusqu’à en avoir mal à la gorge, mais c’est comme si elle n’avait pas d’autre choix pour le moment. Je voudrais vous proposer une alternative, une indication très bien traitante et bienveillante qui à mon avis coche toutes les cases de ce qui est important pour vous – et pour moi. Cette alternative, en essence, va communiquer à Charlotte : “tu as le droit d’avoir des émotions, tu as le droit de les manifester, je t’en prie fais-le, et cela me va tout à fait, je n’en suis pas incommodée.

Mais nous allons tout de même faire ce que j’ai prévu qu’on fasse”. Concrètement, voici ce que cela peut donner : “ma chérie, je vais te dire quelque chose qui ne va pas te plaire, et tu vas certainement avoir envie de crier, je t’en prie si ça te fait du bien n’hésite pas à crier autant que tu le peux pendant que nous marchons, car nous allons aller rendre les livres à la bibliothèque”. Alors vous comprenez que si Charlotte crie tant qu’elle peut, elle vous aura obéi, n’est-ce pas, et nous serons contentes qu’elle vous ait obéi ! Et si au contraire elle ne crie pas, mettons qu’elle vous regarde bizarrement ou se mette à bouder mais ne crie pas, elle vous aura désobéi mais nous serons contentes aussi, n’est-ce pas ? Tout le monde sera gagnant. Et bien sûr vous ne lui direz pas : “tu vois, quand tu veux, tu peux être sympa !”. Donc, qu’elle crie ou qu’elle ne crie pas, qu’elle vous obéisse ou qu’elle vous désobéisse, tout le monde sera gagnant et elle aura eu de vrais choix. Car vous savez, c’est très différent pour un enfant de crier de manière interminable, sans l’avoir vraiment choisi mais sans pouvoir faire autrement, et de crier parce que sa mère le lui a demandé.

Là, ce sera vraiment une décision. Dans ce dernier cas, si elle crie, alors vous devrez attentivement noter si elle crie aussi fort, plus fort, moins fort que d’habitude, et combien de temps, plus longtemps, moins longtemps... Et de votre côté, en prescrivant le symptôme, comme on le dit dans notre jargon, vous surferez sur la vague au lieu de vous la prendre sur la tête à chaque fois tout en serrant les dents et en crispant les orteils. »

Avec cette prescription, au lieu de ne rien dire et de laisser faire, la maman a quelque chose de précis à dire ; au lieu de penser : « si seulement ma fille pouvait ne pas crier et faire ce que je lui dis », elle lui conseille chaleureusement d’exprimer son mécontentement autant qu’elle le veut car cela ne la dérange pas (et elle doit être sincère en le disant). Nous voyons comment, dans ce cas, notre fameux 180 degrés par rapport aux tentatives de solution – c’est-à-dire notre intervention thérapeutique – consiste à prescrire le symptôme. La dynamique relationnelle d’escalade symétrique s’est transformée en une complémentarité. Claudine revient deux semaines plus tard, surprise et amusée. Charlotte n’a quasiment plus crié. Elle a dit qu’elle n’avait pas envie de faire certaines choses, mais ça a été.

Quand il a fallu aller à la bibliothèque rendre les livres de la semaine écoulée, elle a essayé de marcher très lentement alors que sa mère voulait avancer, mais Claudine, encouragée par les résultats de la première prescription de symptôme, s’est autorisée à lui proposer de marcher à son rythme tandis qu’elle et sa soeur avançaient au leur (l’environnement était sans danger). Ici aussi, nous avons une complémentarité. Charlotte s’est empressée de leur emboîter le pas. Une condition sine qua non : prescrire le symptôme se fait sans sarcasme ni ironie, mais avec conviction (pour cela, le thérapeute se sera assuré que la personne a bien saisi et intégré toutes les subtilités de l’intervention), avec fermeté (car elle va tenir ce qu’elle a décidé de tenir) et avec une sincère bienveillance.

HISTOIRE DE CYRIL ET DE SA MAMAN

Ce sont les deux parents d’un garçon de 9 ans qui viennent avec leur fils, Cyril. Lorsque l’orthophoniste de Cyril, qu’elle suit pour une dyslexie, leur a conseillés de venir me voir, celui-ci répétait régulièrement qu’il était nul, qu’il ne comprenait rien, qu’il en avait marre et qu’il serait mieux s’il était mort. Tout le monde était en alerte. Je lui demande :
- Th. : « Tu en as tellement marre que tu dis que tu serais mieux si tu étais mort, c’est ça ?
- Cyril : Oui.
- Th. : Je vois ça... (silence). Tu serais mieux et tu en aurais moins marre s’il se passait quoi de différent ?
- Cyril : Je n’aime pas l’école – enfin j’aime quand même bien les copains à l’école –, mais surtout je déteste les devoirs, je ne comprends rien et j’y arrive pas.
- Th. : Ah, c’est sûr que comme ça, c’est vraiment pénible... (silence). Mais toi, tu dis que tu voudrais ne jamais faire les devoirs ?
- Cyril : Ah non, ce n’est pas possible, ça ! J’aurais encore de plus mauvaises notes !
- Th. : Bon, donc tu es en train de me dire que si tu pouvais rendre les devoirs moins pénibles, étant donné que tu ne peux pas les éviter, ce serait franchement mieux, j’ai bien compris ?
- Cyril : Oui.
- Th. : D’accord, on va voir si on est capables de faire ça. » Nous tenons donc un objectif. Quelques mots sur le contexte : Cyril n’a pas franchement des résultats épouvantables à l’école, et il ne déteste pas son enseignante.

C’est un garçon fin et intelligent. C’est juste, dit-il, que c’est dur, qu’il doit beaucoup travailler, qu’il est souvent déçu des résultats qu’il obtient et qu’il préfère jouer. A part ça, il aime apprendre d’autres choses et regarder des documentaires sur la nature, les planètes et les animaux. La maman, qui reconnaît que l’école telle qu’elle existe n’est pas vraiment idéale pour son fils et réciproquement, est à la demande des enseignants très investie dans le travail scolaire, elle assume cette responsabilité (tandis que le papa s’occupe des sports). Sachant que son fils a des problèmes de dyslexie, elle fait de son mieux pour qu’il apprenne, révise, et elle a charge de lui demander des choses en plus (les exercices de l’orthophoniste, plus d’autres pour s’assurer qu’il a bien compris les leçons de l’école). Elle fait naturellement cela pour son bien, puisque dans un an et demi c’est la 6e et qu’il faut qu’il soit préparé. Résultat : le travail scolaire exige en effet beaucoup de temps (trop de temps), mais ce temps est quasiment doublé à cause des scènes et des drames entre le fiston et sa maman, préalables au travail en tant que tel. Là aussi, il s’agit d’une escalade symétrique.
Sa maman l’appelle : « Cyril, c’est l’heure de faire les devoirs... »...

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NATHALIE KORALNIK Enseigne l’approche systémique et stratégique brève et l’hypnose ericksonienne à l’Institut Gregory Bateson (IGB). Elle consulte en cabinet privé dans la région lyonnaise en français, anglais et italien, et supervise des équipes socio-éducatives dans sa région. Egalement traductrice et interprète, elle traduit des séminaires et des ouvrages dans ses domaines de compétence.

Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

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