- Honte et brûlures du coup. Hors-Série 19 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves.
- Maux de tête et désir de perfection. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
- Le pouvoir de l'eczéma. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
- Hypnose et thérapie systémique en soins palliatifs.
- Le temps passe, se fige et s'ouvre dans le mouvement de la vie.
- La présence. Dr Adrian CHABOCHE pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.
- Travailler sur les interactions pour favoriser un changement.
- La puissance thérapeutique de la relation humaine.

Hypnothérapeutes à Paris, ils vous donnent leur avis au sujet de l'hypnose, de l'EMDR, des formations en hypnose médicale
Mis à jour : il y a 12 heures 10 min
Hypnose et troubles neurocognitifs.
ACCOMPAGNER LES PATIENTS ET LEURS AIDANTS. Dans les cas de prise en charge de personnes souffrant de troubles neurocognitifs, l’hypnose a un rôle important à jouer pas seulement pour les patients, mais aussi pour les proches aidants, en leur apportant un soutien et une forme de résilience face au risque d’épuisement.
ETAT DES LIEUX
L’augmentation du nombre de personnes présentant des troubles neurocognitifs (TNC) exerce une pression considérable sur les systèmes de soins et les aidants. Ces pathologies, incluant Alzheimer et autres, affectent plus de 55 millions de personnes, chiffre pouvant atteindre 152 millions d’ici 2050 (OMS, 2023). Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) touchent environ 97 % des personnes âgées atteintes vivant à domicile (Cloak N., Al-Khalili Y., 2019). Les SCPD, avec des manifestations variées, sont éprouvants pour les patients et leurs aidants car ce sont en effet des maladies à « double tropisme neurologique, tout d’abord en détruisant le cerveau des patients et aussi en rongeant celui des aidants » (Sirvain S., 2019). L’Inventaire neuropsychiatrique (NPI) identifie douze catégories de symptômes dont les manifestations comportementales sont variables en fonction de l’évolution de la maladie : en début de pathologie apparaissent la dépression et l’anxiété, puis l’apathie, et enfin l’irritabilité, l’agitation, les idées délirantes, les hallucinations, les comportements moteurs aberrants (Noblet-Dick M. et al., 2004)...
Ces symptômes, loin d’être anodins, peuvent accélérer la progression de la maladie (Zahodne L. et al., 2015), augmenter le risque d’institutionnalisation (Toot et al., 2017) et exacerber la détresse des aidants (Feast et al., 2016). Le lit de ces SCPD est bien souvent l’anxiété : être perdu dans des temps et des lieux, rechercher des gens disparus depuis longtemps, ne pas partager la réalité des autres, etc. L’abord de ces personnes malades se doit de se faire dans cette vision globale chère à la gériatrie avec des traitements médicamenteux et non médicamenteux. Les traitements palliatifs médicamenteux des SCPD sont souvent délétères à moyen ou long terme avec un cortège iatrogénique occasionnant chez ces patients fragiles, des chutes, de la confusion, des troubles digestifs, etc. Dans ce contexte, le rôle des aidants revêt une importance capitale. Un proche aidant est défini comme une personne apportant une aide non professionnelle régulière (art. L. 113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles). La situation d’aidance peut affecter les sphères personnelle, familiale, sociale et professionnelle. A cela s’ajoute la dimension affective du lien avec la personne aidée, qui peut entraîner chez l’aidant un surinvestissement, un sentiment de culpabilité et un épuisement croissant, la HAS soulignant que cela entraîne des répercussions sur la santé des aidants, avec plus de la moitié des conjoints développant une dépression et un risque de surmortalité de plus de 60 % dans les trois ans suivant le début de la maladie de leur proche (HAS, 2024 et 2010). Feast et al. (2016) démontrent que certains symptômes, comme la dépression, l’agitation et l’agressivité, sont particulièrement éprouvants pour les aidants.
L’apathie, bien que moins perçue comme dérangeante, mérite une attention particulière en raison de sa prévalence et de son intensité élevées (Fauth et Gibbons, 2014 ; Zhao et al., 2016). Cette dichotomie entre la perception des symptômes et leur impact réel souligne l’importance d’une formation des aidants sur la nature et les conséquences des manifestations spécifiques de la personne âgée. Il apparaît donc essentiel de développer des stratégies de soutien ciblées pour les aidants. Celles-ci doivent prendre en compte la variabilité des symptômes, leur impact différentiel sur les aidants, et s’appuyer sur une compréhension approfondie des mécanismes sous-jacents à leur apparition. Une telle approche, centrée sur les besoins spécifiques des aidants et des patients, permettrait non seulement d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de TNC, mais aussi de prévenir l’épuisement des proches aidants, piliers essentiels du système de soins à domicile.
Les recherches de Duff et Nightingale (2006, 2007), les premières chez des patients ayant un trouble neurocognitif majeur (TNCM), montrent que les personnes âgées ayant bénéficié de séances d’hypnose sur une année ont amélioré leurs performances en concentration, activités quotidiennes, mémoire immédiate et mémoire des événements significatifs, par rapport aux groupes témoins. Ces auteurs pensent que les personnes atteintes de troubles cognitifs peuvent être conscientes de la perte de leurs capacités, augmentant ainsi l’anxiété et la dépression, ce qui entraîne une perte de mémoire et de motivation. L’hypnose pourrait réduire l’anxiété et la dépression, libérant ainsi les ressources cognitives. Les méthodes pour adapter l’hypnose dans le grand âge se développent et les études commencent à fournir des résultats (Lutgendorf, 2007 ; Billot et al., 2020 ; Dumain et al., 2022 ; Floccia et al., 2024 ; Perennou, 2017 ; Perennou et Sirvain et al., 2024). Dans sa revue portant sur sept études dans la littérature, Emilie Wawrziczny et al. (2021) nous apportent des éléments précieux. Ces études se sont intéressées à l’utilisation de l’hypnose chez des patients diagnostiqués avec la maladie de Huntington, la maladie de Parkinson, la démence vasculaire ou la maladie d’Alzheimer.
Elles retrouvaient une hypnotisabilité modérée à élevée des patients et une certaine suggestibilité. L’hypnose permettait une amélioration des symptômes physiques (sommeil, chutes, spasmes...) et psychologiques (anxiété, concentration, estime de soi). Au-delà des résultats, cette étude mettait en évidence certaines adaptations nécessaires de l’hypnose. Pour les patients présentant un TNCM à un stade débutant, la phase d’induction est plus directive, avec peu de pauses. Les souvenirs utilisés s’appuient sur la mémoire à long terme qui est mieux préservée avec des suggestions s’appuyant sur le VAKOG. Enfin, les séances sont souvent fractionnées, plus courtes en raison de la fatigue attentionnelle (moins de 30 minutes) et doivent être régulières pour renforcer l’utilisation. Dans les stades plus évolués, la suggestibilité persiste, mais le mode devient conversationnel nécessitant une utilisation accrue du paraverbal et de la synchronisation, en utilisant l’environnement (Wawrziczny et al., 2021).
L’HYPNOSE PEUT-ELLE AIDER À SOUTENIR LES PROCHES AIDANTS ?
L’hypnose se développe dans les milieux de soins, mais peut-elle aider les proches aidants ? Les données sur l’hypnose pour les aidants familiaux sont rares. Pourtant, l’hypnose peut aider les aidants à redécouvrir leurs ressources. Sophie Lagouarde (2020) affirme que l’hypnose soulage les symptômes comme les troubles du sommeil et aide à traiter le syndrome d’épuisement des aidants. Elle améliore aussi la communication avec le proche malade. « L’hypnose est un outil précieux dans l’accompagnement des aidants familiaux. Non seulement elle permet de soulager les symptômes les plus saillants comme les troubles du sommeil, mais elle s’avère aussi être le socle du travail psychothérapique mené autour du syndrome d’épuisement, bien caractéristique de la souffrance des aidants familiaux. Par ailleurs, transmettre aux aidants familiaux quelques notions autour de la pratique du langage hypnotique afin qu’ils l’utilisent auprès de leur proche malade améliore la communication et apaise la relation » (Floccia M., 2024).
CAS CLINIQUE
Madame Jeanne, 84 ans, vit à domicile, veuve depuis vingt ans, MMS 19. Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et a vu sa pathologie progresser après deux événements marquants : le décès de sa soeur Angèle et la pandémie de Covid-19 qui a accentué l’impression de ne plus être en sécurité. Des aides sont en place (infirmière pour les traitements et la toilette, auxiliaires de vie) et permettent de l’entourer dans son environnement où elle se reconnaît comme étant chez elle. Mais, parfois absente, elle exprime de l’inquiétude et pose des questions décalées. Ses fils, André et Christophe, réagissent différemment à ses répétitions et oublis. André est impatient, tandis que Christophe répond patiemment.
- Madame Jeanne : « Où est Angèle ? Je l’ai vue tout à l’heure, mais je ne la vois plus.
- André : Mais tu sais bien qu’elle est décédée il y a trois ans maintenant, tu ne peux pas l’avoir vue tout à l’heure, voyons, rappelle-toi ! Madame Jeanne fond en larmes. Tandis que l’autre fils, Christophe, a compris l’importance d’accepter la situation et de répondre patiemment aux mêmes questions posées à quelques minutes d’intervalle tout en essayant de l’apaiser.
- Madame Jeanne : Sais-tu où est Angèle ? Je ne la trouve plus ?
- Christophe : Maman, Tatie Angèle nous a quittés pour toujours.
- Madame Jeanne : Ah bon, mais où cela ? Elle ne doit pas être bien loin ?
- Christophe : Je crois que c’est définitif maman. Madame Jeanne pleure doucement : Elle nous a abandonnés ? Ah oui, je deviens folle, elle est morte Angèle, je suis si vieille, je perds la tête. » Si Madame Jeanne revit à chaque fois le décès de sa soeur, la façon dont son fils Christophe lui annonce cette nouvelle est différente. Mais bien qu’il fasse preuve de douceur et de patience, il éprouve des difficultés et manque d’outils pour apaiser efficacement l’anxiété et la douleur de sa mère face à la perte de sa soeur. Suite à une évaluation gériatrique, Madame Jeanne est orientée vers une hypnothérapeute pour l’aider, ainsi que ses aidants, à mieux gérer ses phases d’anxiété. La rencontre révèle que Madame Jeanne était institutrice et très investie dans son foyer et sa famille. En discutant de cela, Madame Jeanne qui était agitée en arrivant, se détend progressivement.
- Hypnothérapeute : « J’ai entendu parler de votre maison, on m’a dit qu’elle est bien tenue.
- Madame Jeanne : Oui, j’aime que tout soit propre.
- Hyp. : Comme cela, vos garçons se sentent bien.
- Madame Jeanne : Oui, ils y jouent, mais ils me font du dégât ! Que dire, ils sont si pleins de vie ! Mais la dernière fois, il y en a un qui m’a cassé un beau vase… L’hypnothérapeute, par des questions ciblées, cherche à déterminer dans quelle période de vie se trouve Madame Jeanne à ce moment précis.
- Hyp. : Un vase, vous en avez d’autres ?
- Madame Jeanne : Oh oui, j’aime avoir de belles fleurs dans ma maison.
- Hyp. : Oh, moi aussi, des fleurs qui embaument, de toutes les couleurs.
- Madame Jeanne : Plutôt des pivoines...
- Hyp. : Vous avez des pivoines ? Ce sont de belles fleurs, leur parfum embaume comme un doux nuage de pétales qui diffuse...
- Madame Jeanne (en prenant une grande inspiration) : Rose pâle...
- Hyp. : (en se synchronisant avec cette grande inspiration et en lançant l’enregistrement – Madame Jeanne a été prévenue avant la séance que possiblement l’hypnothérapeute l’enregistrerait pour la lui remettre) : Rose pâle, les pétales sont doux et duveteux, leur odeur passe de pièce en pièce et crée dans la maison de la douceur et du calme... » Madame Jeanne ne parle plus, son regard est fixe. Plus fréquemment dans le grand âge, que le patient présente des troubles neurocognitifs ou pas, il garde les yeux ouverts ou miclos. Néanmoins le regard devient fixe et le réflexe de clignement diminue. Milton H. Erickson nous disait que l’altération du clignement du regard était un signe de transe (Erickson M.H., 1976).
- Hyp. : « ... Et cette douce odeur qui diffuse apporte du calme, de la sérénité, et c’est comme si un voile de légèreté et de parfum se posait dans cette maison où vous vous sentez bien, calme, protégée, rassurée. » L’identification d’un lieu sécurisant, appelé « safe place », est importante pour cette population qui perd ses repères. Cela permet de travailler sur leur sentiment d’insécurité, tout en leur offrant un endroit ressourçant à renforcer. Pour Madame Jeanne, sa maison va devenir cette safe place que l’hypnothérapeute va pouvoir développer et utiliser pendant les séances.
- Hyp. : « Vous prenez le temps de disposer ces magnifiques pivoines, qui embaument votre nez. Vos mains expertes les placent avec soin dans les vases. Le bouquet est si beau, il apporte de la gaieté et de la douceur dans toute la maison. Vous vous sentez particulièrement bien dans ce lieu familier qui vous protège. Vous entendez même les rires et les voix de vos fils, qui apprécient eux aussi ces doux parfums floraux. C’est une délicieuse sensation de tranquillité et d’accueil dans cette maison chaleureuse où vous vous sentez bien... Madame Jeanne a les yeux fixes, des larmes perlent.
- Hyp. : ... et vous savez leur apporter l’eau qui leur est nécessaire pour qu’elles sentent bien, cette eau qui coule et qui apporte le calme. » Madame Jeanne semble commencer à fatiguer, elle a de légers mouvements.
Les séances d’hypnose dans le grand âge sont souvent plus courtes, les patients fatiguant. Cela est d’autant plus vrai que le patient présente un TNCM.
- Hyp. : Dans les jours et les semaines à venir, vous allez être surprise de constater combien il vous sera facile de retrouver ces sensations agréables, ce calme, cette protection. Simplement en voyant une pivoine, en pensant et en sentant son odeur, dans votre agréable maison, vous retrouverez de manière simple ces sensations de calme. » Madame Jeanne sourit. Ensemble, elles choisissent sur Internet une image de…
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Dr Marie Floccia
Médecin gériatre et algologue, praticien hospitalier et cheffe de service Douleur et médecine intégrative au CHU de Bordeaux. Elle a exercé dans divers services de gériatrie et elle fait désormais des consultations pour des patients douloureux chroniques ou présentant des troubles du comportement dans le cadre d’une pathologie neurocognitive. Elle enseigne l’hypnose en gériatrie au DIU d'Hypnose Médicale de Bordeaux et est l’auteure de deux ouvrages sur la question : Hypnose en pratiques gériatriques, Dunod (2018) ; Cas pratiques en Hypnose gériatrique, Dunod (2024).
Geneviève Perennou
Hypnothérapeute et formatrice en hypnose dans les hôpitaux et les Ehpad, spécialisée dans l’accompagnement des personnes ayant une pathologie neurodégénérative. Auteure de plusieurs ouvrages : L’hypnose pour accompagner les patients âgés, Satas (2016) ; Métaphores hypnotiques pour accompagner les patients, Satas (2019) ; Hypnose médicale de la personne âgée pour les professionnels de santé, coécrit avec Serge Sirvain, Dunod (2024).
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°76 version Papier N°76 : Fév. / Mars / Avril 2025
Effet placebo, dialogue stratégique.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°76 :
. Dominique Megglé est parti quelques jours en mission avec MacGyver pour trouver le secret de la thérapie réussie. Cet article concerne tous les bricoleurs avisés, adeptes du couteau suisse de la relation humaine. Dominique est revenu de sa mission avec une grande découverte : le placebo. Comment faire pour retrouver cette piste ? Il nous suggère d’accepter d’être « démuni, pauvre, à sec, sans idée », pour pouvoir bricoler « comme un cheval adroit ou un chien de chasse rusé ». La technique pour la technique, voilà le piège.
. Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.
. Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.
. Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée. Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.
. Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.
. Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.
. Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.
Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.
Livres en bouche
Illustrations de Caroline Berthet
L’augmentation du nombre de personnes présentant des troubles neurocognitifs (TNC) exerce une pression considérable sur les systèmes de soins et les aidants. Ces pathologies, incluant Alzheimer et autres, affectent plus de 55 millions de personnes, chiffre pouvant atteindre 152 millions d’ici 2050 (OMS, 2023). Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) touchent environ 97 % des personnes âgées atteintes vivant à domicile (Cloak N., Al-Khalili Y., 2019). Les SCPD, avec des manifestations variées, sont éprouvants pour les patients et leurs aidants car ce sont en effet des maladies à « double tropisme neurologique, tout d’abord en détruisant le cerveau des patients et aussi en rongeant celui des aidants » (Sirvain S., 2019). L’Inventaire neuropsychiatrique (NPI) identifie douze catégories de symptômes dont les manifestations comportementales sont variables en fonction de l’évolution de la maladie : en début de pathologie apparaissent la dépression et l’anxiété, puis l’apathie, et enfin l’irritabilité, l’agitation, les idées délirantes, les hallucinations, les comportements moteurs aberrants (Noblet-Dick M. et al., 2004)...
Ces symptômes, loin d’être anodins, peuvent accélérer la progression de la maladie (Zahodne L. et al., 2015), augmenter le risque d’institutionnalisation (Toot et al., 2017) et exacerber la détresse des aidants (Feast et al., 2016). Le lit de ces SCPD est bien souvent l’anxiété : être perdu dans des temps et des lieux, rechercher des gens disparus depuis longtemps, ne pas partager la réalité des autres, etc. L’abord de ces personnes malades se doit de se faire dans cette vision globale chère à la gériatrie avec des traitements médicamenteux et non médicamenteux. Les traitements palliatifs médicamenteux des SCPD sont souvent délétères à moyen ou long terme avec un cortège iatrogénique occasionnant chez ces patients fragiles, des chutes, de la confusion, des troubles digestifs, etc. Dans ce contexte, le rôle des aidants revêt une importance capitale. Un proche aidant est défini comme une personne apportant une aide non professionnelle régulière (art. L. 113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles). La situation d’aidance peut affecter les sphères personnelle, familiale, sociale et professionnelle. A cela s’ajoute la dimension affective du lien avec la personne aidée, qui peut entraîner chez l’aidant un surinvestissement, un sentiment de culpabilité et un épuisement croissant, la HAS soulignant que cela entraîne des répercussions sur la santé des aidants, avec plus de la moitié des conjoints développant une dépression et un risque de surmortalité de plus de 60 % dans les trois ans suivant le début de la maladie de leur proche (HAS, 2024 et 2010). Feast et al. (2016) démontrent que certains symptômes, comme la dépression, l’agitation et l’agressivité, sont particulièrement éprouvants pour les aidants.
L’apathie, bien que moins perçue comme dérangeante, mérite une attention particulière en raison de sa prévalence et de son intensité élevées (Fauth et Gibbons, 2014 ; Zhao et al., 2016). Cette dichotomie entre la perception des symptômes et leur impact réel souligne l’importance d’une formation des aidants sur la nature et les conséquences des manifestations spécifiques de la personne âgée. Il apparaît donc essentiel de développer des stratégies de soutien ciblées pour les aidants. Celles-ci doivent prendre en compte la variabilité des symptômes, leur impact différentiel sur les aidants, et s’appuyer sur une compréhension approfondie des mécanismes sous-jacents à leur apparition. Une telle approche, centrée sur les besoins spécifiques des aidants et des patients, permettrait non seulement d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de TNC, mais aussi de prévenir l’épuisement des proches aidants, piliers essentiels du système de soins à domicile.
Les recherches de Duff et Nightingale (2006, 2007), les premières chez des patients ayant un trouble neurocognitif majeur (TNCM), montrent que les personnes âgées ayant bénéficié de séances d’hypnose sur une année ont amélioré leurs performances en concentration, activités quotidiennes, mémoire immédiate et mémoire des événements significatifs, par rapport aux groupes témoins. Ces auteurs pensent que les personnes atteintes de troubles cognitifs peuvent être conscientes de la perte de leurs capacités, augmentant ainsi l’anxiété et la dépression, ce qui entraîne une perte de mémoire et de motivation. L’hypnose pourrait réduire l’anxiété et la dépression, libérant ainsi les ressources cognitives. Les méthodes pour adapter l’hypnose dans le grand âge se développent et les études commencent à fournir des résultats (Lutgendorf, 2007 ; Billot et al., 2020 ; Dumain et al., 2022 ; Floccia et al., 2024 ; Perennou, 2017 ; Perennou et Sirvain et al., 2024). Dans sa revue portant sur sept études dans la littérature, Emilie Wawrziczny et al. (2021) nous apportent des éléments précieux. Ces études se sont intéressées à l’utilisation de l’hypnose chez des patients diagnostiqués avec la maladie de Huntington, la maladie de Parkinson, la démence vasculaire ou la maladie d’Alzheimer.
Elles retrouvaient une hypnotisabilité modérée à élevée des patients et une certaine suggestibilité. L’hypnose permettait une amélioration des symptômes physiques (sommeil, chutes, spasmes...) et psychologiques (anxiété, concentration, estime de soi). Au-delà des résultats, cette étude mettait en évidence certaines adaptations nécessaires de l’hypnose. Pour les patients présentant un TNCM à un stade débutant, la phase d’induction est plus directive, avec peu de pauses. Les souvenirs utilisés s’appuient sur la mémoire à long terme qui est mieux préservée avec des suggestions s’appuyant sur le VAKOG. Enfin, les séances sont souvent fractionnées, plus courtes en raison de la fatigue attentionnelle (moins de 30 minutes) et doivent être régulières pour renforcer l’utilisation. Dans les stades plus évolués, la suggestibilité persiste, mais le mode devient conversationnel nécessitant une utilisation accrue du paraverbal et de la synchronisation, en utilisant l’environnement (Wawrziczny et al., 2021).
L’HYPNOSE PEUT-ELLE AIDER À SOUTENIR LES PROCHES AIDANTS ?
L’hypnose se développe dans les milieux de soins, mais peut-elle aider les proches aidants ? Les données sur l’hypnose pour les aidants familiaux sont rares. Pourtant, l’hypnose peut aider les aidants à redécouvrir leurs ressources. Sophie Lagouarde (2020) affirme que l’hypnose soulage les symptômes comme les troubles du sommeil et aide à traiter le syndrome d’épuisement des aidants. Elle améliore aussi la communication avec le proche malade. « L’hypnose est un outil précieux dans l’accompagnement des aidants familiaux. Non seulement elle permet de soulager les symptômes les plus saillants comme les troubles du sommeil, mais elle s’avère aussi être le socle du travail psychothérapique mené autour du syndrome d’épuisement, bien caractéristique de la souffrance des aidants familiaux. Par ailleurs, transmettre aux aidants familiaux quelques notions autour de la pratique du langage hypnotique afin qu’ils l’utilisent auprès de leur proche malade améliore la communication et apaise la relation » (Floccia M., 2024).
CAS CLINIQUE
Madame Jeanne, 84 ans, vit à domicile, veuve depuis vingt ans, MMS 19. Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et a vu sa pathologie progresser après deux événements marquants : le décès de sa soeur Angèle et la pandémie de Covid-19 qui a accentué l’impression de ne plus être en sécurité. Des aides sont en place (infirmière pour les traitements et la toilette, auxiliaires de vie) et permettent de l’entourer dans son environnement où elle se reconnaît comme étant chez elle. Mais, parfois absente, elle exprime de l’inquiétude et pose des questions décalées. Ses fils, André et Christophe, réagissent différemment à ses répétitions et oublis. André est impatient, tandis que Christophe répond patiemment.
- Madame Jeanne : « Où est Angèle ? Je l’ai vue tout à l’heure, mais je ne la vois plus.
- André : Mais tu sais bien qu’elle est décédée il y a trois ans maintenant, tu ne peux pas l’avoir vue tout à l’heure, voyons, rappelle-toi ! Madame Jeanne fond en larmes. Tandis que l’autre fils, Christophe, a compris l’importance d’accepter la situation et de répondre patiemment aux mêmes questions posées à quelques minutes d’intervalle tout en essayant de l’apaiser.
- Madame Jeanne : Sais-tu où est Angèle ? Je ne la trouve plus ?
- Christophe : Maman, Tatie Angèle nous a quittés pour toujours.
- Madame Jeanne : Ah bon, mais où cela ? Elle ne doit pas être bien loin ?
- Christophe : Je crois que c’est définitif maman. Madame Jeanne pleure doucement : Elle nous a abandonnés ? Ah oui, je deviens folle, elle est morte Angèle, je suis si vieille, je perds la tête. » Si Madame Jeanne revit à chaque fois le décès de sa soeur, la façon dont son fils Christophe lui annonce cette nouvelle est différente. Mais bien qu’il fasse preuve de douceur et de patience, il éprouve des difficultés et manque d’outils pour apaiser efficacement l’anxiété et la douleur de sa mère face à la perte de sa soeur. Suite à une évaluation gériatrique, Madame Jeanne est orientée vers une hypnothérapeute pour l’aider, ainsi que ses aidants, à mieux gérer ses phases d’anxiété. La rencontre révèle que Madame Jeanne était institutrice et très investie dans son foyer et sa famille. En discutant de cela, Madame Jeanne qui était agitée en arrivant, se détend progressivement.
- Hypnothérapeute : « J’ai entendu parler de votre maison, on m’a dit qu’elle est bien tenue.
- Madame Jeanne : Oui, j’aime que tout soit propre.
- Hyp. : Comme cela, vos garçons se sentent bien.
- Madame Jeanne : Oui, ils y jouent, mais ils me font du dégât ! Que dire, ils sont si pleins de vie ! Mais la dernière fois, il y en a un qui m’a cassé un beau vase… L’hypnothérapeute, par des questions ciblées, cherche à déterminer dans quelle période de vie se trouve Madame Jeanne à ce moment précis.
- Hyp. : Un vase, vous en avez d’autres ?
- Madame Jeanne : Oh oui, j’aime avoir de belles fleurs dans ma maison.
- Hyp. : Oh, moi aussi, des fleurs qui embaument, de toutes les couleurs.
- Madame Jeanne : Plutôt des pivoines...
- Hyp. : Vous avez des pivoines ? Ce sont de belles fleurs, leur parfum embaume comme un doux nuage de pétales qui diffuse...
- Madame Jeanne (en prenant une grande inspiration) : Rose pâle...
- Hyp. : (en se synchronisant avec cette grande inspiration et en lançant l’enregistrement – Madame Jeanne a été prévenue avant la séance que possiblement l’hypnothérapeute l’enregistrerait pour la lui remettre) : Rose pâle, les pétales sont doux et duveteux, leur odeur passe de pièce en pièce et crée dans la maison de la douceur et du calme... » Madame Jeanne ne parle plus, son regard est fixe. Plus fréquemment dans le grand âge, que le patient présente des troubles neurocognitifs ou pas, il garde les yeux ouverts ou miclos. Néanmoins le regard devient fixe et le réflexe de clignement diminue. Milton H. Erickson nous disait que l’altération du clignement du regard était un signe de transe (Erickson M.H., 1976).
- Hyp. : « ... Et cette douce odeur qui diffuse apporte du calme, de la sérénité, et c’est comme si un voile de légèreté et de parfum se posait dans cette maison où vous vous sentez bien, calme, protégée, rassurée. » L’identification d’un lieu sécurisant, appelé « safe place », est importante pour cette population qui perd ses repères. Cela permet de travailler sur leur sentiment d’insécurité, tout en leur offrant un endroit ressourçant à renforcer. Pour Madame Jeanne, sa maison va devenir cette safe place que l’hypnothérapeute va pouvoir développer et utiliser pendant les séances.
- Hyp. : « Vous prenez le temps de disposer ces magnifiques pivoines, qui embaument votre nez. Vos mains expertes les placent avec soin dans les vases. Le bouquet est si beau, il apporte de la gaieté et de la douceur dans toute la maison. Vous vous sentez particulièrement bien dans ce lieu familier qui vous protège. Vous entendez même les rires et les voix de vos fils, qui apprécient eux aussi ces doux parfums floraux. C’est une délicieuse sensation de tranquillité et d’accueil dans cette maison chaleureuse où vous vous sentez bien... Madame Jeanne a les yeux fixes, des larmes perlent.
- Hyp. : ... et vous savez leur apporter l’eau qui leur est nécessaire pour qu’elles sentent bien, cette eau qui coule et qui apporte le calme. » Madame Jeanne semble commencer à fatiguer, elle a de légers mouvements.
Les séances d’hypnose dans le grand âge sont souvent plus courtes, les patients fatiguant. Cela est d’autant plus vrai que le patient présente un TNCM.
- Hyp. : Dans les jours et les semaines à venir, vous allez être surprise de constater combien il vous sera facile de retrouver ces sensations agréables, ce calme, cette protection. Simplement en voyant une pivoine, en pensant et en sentant son odeur, dans votre agréable maison, vous retrouverez de manière simple ces sensations de calme. » Madame Jeanne sourit. Ensemble, elles choisissent sur Internet une image de…
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Dr Marie Floccia
Médecin gériatre et algologue, praticien hospitalier et cheffe de service Douleur et médecine intégrative au CHU de Bordeaux. Elle a exercé dans divers services de gériatrie et elle fait désormais des consultations pour des patients douloureux chroniques ou présentant des troubles du comportement dans le cadre d’une pathologie neurocognitive. Elle enseigne l’hypnose en gériatrie au DIU d'Hypnose Médicale de Bordeaux et est l’auteure de deux ouvrages sur la question : Hypnose en pratiques gériatriques, Dunod (2018) ; Cas pratiques en Hypnose gériatrique, Dunod (2024).
Geneviève Perennou
Hypnothérapeute et formatrice en hypnose dans les hôpitaux et les Ehpad, spécialisée dans l’accompagnement des personnes ayant une pathologie neurodégénérative. Auteure de plusieurs ouvrages : L’hypnose pour accompagner les patients âgés, Satas (2016) ; Métaphores hypnotiques pour accompagner les patients, Satas (2019) ; Hypnose médicale de la personne âgée pour les professionnels de santé, coécrit avec Serge Sirvain, Dunod (2024).
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°76 version Papier N°76 : Fév. / Mars / Avril 2025
Effet placebo, dialogue stratégique.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°76 :
. Dominique Megglé est parti quelques jours en mission avec MacGyver pour trouver le secret de la thérapie réussie. Cet article concerne tous les bricoleurs avisés, adeptes du couteau suisse de la relation humaine. Dominique est revenu de sa mission avec une grande découverte : le placebo. Comment faire pour retrouver cette piste ? Il nous suggère d’accepter d’être « démuni, pauvre, à sec, sans idée », pour pouvoir bricoler « comme un cheval adroit ou un chien de chasse rusé ». La technique pour la technique, voilà le piège.
. Thierry Piccoli nous décrit l’importance du dialogue stratégique pour rejoindre l’autre dans son monde de peur et préparer l’engagement dans la tâche thérapeutique afin de bloquer les tentatives de solution. A travers la situation de Corinne, prisonnière d’attaques de panique, il nous montre avec précision comment ce dialogue recadre la situation en permettant une expérience émotionnelle correctrice.
. Nous faire découvrir Milton Erickson comme un patient est le challenge que nous offre Blandine Rossi-Bouchet. Cet article original nous amène à percevoir Milton Erickson du côté de ses symptômes (séquelles de dyslexie, aphasie, dysarthrie, douleurs récurrentes), et à découvrir comment ces épreuves l’ont conduit à développer sa créativité et sa résilience.
. Vous lirez dans l’« Espace Douleur Douceur » l’introduction de Gérard Ostermann qui nous présente trois articles : celui de Marc Galy nous montre, avec la situation d’une jeune femme présentant un cancer du sein, comment remettre en mouvement les processus d’anticipation à partir de la présence partagée. Rachel Rey aborde l’intérêt de l’hypnose en préopératoire chez les enfants atteints de scoliose. Maud-Roxane Delatte nous offre une belle expérience concernant l’hypnose et la rééducation de la main en post-opératoire.
. Le dossier thématique est centré sur la gériatrie. Sophie Richet-Jacob nous présente trois cas cliniques concernant le traitement du trauma chez le sujet âgé : deux sont en lien avec la guerre, le troisième cas est en lien avec des violences conjugales et tentative d’assassinat. Elle évoque la méthode de l’Haptic Gamma Embodiement (HGE) pour préparer le travail sur les mouvements alternatifs et les changements de scénarios, avec utilisation éventuelle de Playmobils.
. Marie Floccia et Geneviève Perennou nous montrent l’importance de l’hypnose pour accompagner les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et leurs aidants. Elles illustrent leur propos avec le cas de Madame Jeanne, 84 ans. Cet article montre les spécificités de la transe chez les personnes âgées et l’importance de retrouver l’estime de soi à travers des expériences de fierté.
. Serge Sirvain et Guillaume Belouriez utilisent l’hypnose dans une lecture systémique pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs. Avec deux situations cliniques, les auteurs illustrent l’intérêt de ce lien épistémologique pour pouvoir répondre de manière éthique à ces situations complexes.
Les rubriques :
Enfin, vous retrouvrerez vos rubriques préférées de Stefano Colombo et Muhuc sur le temps qui passe, de Sophie Cohen sur la peur de tomber dans l’abîme, d’Adrian Chaboche sur le mouvement pour retrouver la vie, et de Sylvie Le Pelletier-Beaufond qui nous emmène au Mali pour découvrir le kotéba, thérapie inspirée du théâtre traditionnel.
Livres en bouche
Illustrations de Caroline Berthet
Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris
Trouble du sommeil. Le coffre-fort à triple sécurité. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.
Si beaucoup recherchent le calme et le silence, cette patiente les redoute car ils ne permettent pas de faire taire ses « pensées ». La solution passe par l’hypnose où surgit l’idée d’une boîte fermée à clé et enterrée... Delphine Le Gris pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.
CONTEXTE
Sophie est une patiente que je suis depuis plus d’un an. Son histoire de vie est ponctuée de relations insécurisantes : de ses premiers liens à sa mère puis dans deux relations de couple. La première relation avec un homme plus âgé lui a permis de quitter le domicile familial à l’âge de 18 ans. Elle aura quatre en- fants avec cet homme. Sa dernière relation dont elle aura initié la séparation au cours de sa psychothérapie ne lui aura pas non plus laissé de place suffisante en tant que sujet propre et désirant. La psychothérapie initiée ensemble a donc pour objectif de développer ce processus de subjectivation. Lors de notre dernière séance, Sophie verba- lise une fois de plus sa sensation de se sentir débordée, mais à la différence que cette fois- ci elle s’est autorisée à lancer les démarches pour bénéficier d’une VAE (validation des acquis d’expérience professionnelle).
Dans son quotidien professionnel et personnel, elle repère le même mécanisme persistant : se donner beaucoup de tâches à faire pour ne pas penser, cela s’étant majoré depuis qu’elle vit seule, depuis sa séparation. Sophie évoque spontanément son désir de trouver une solution à son problème de sommeil. Ce n’est pas le temps nécessaire à son endormisse- ment qui lui pose problème mais la qualité de celui-ci. « Je ne peux pas m’endormir sans bruit et cela abîme mon sommeil car cela me réveille un peu plus tard dans la nuit. » Elle se questionne sur l’origine de son comporte- ment qui a toujours été là, même lorsqu’elle était en couple. Elle veut creuser le sujet. Cela ne semble pas s’expliquer par un sentiment de solitude difficilement tolérable. Par l’interro- gatoire elle perçoit que s’endormir avec une voix permet de court-circuiter ses pensées. Mais lesquelles ? Il ne s’agit pas des restes diurnes mais « des pensées qui sont angoissantes passées ou présentes », celles qu’elle ne peut pas régler de son histoire.
Son désir de creuser les choses m’a alors donné l’idée de creuser un trou dans lequel elle pourrait mettre un coffre-fort qui contiendrait tout ce qui l’empêche de s’endormir dans le calme et le silence. Je lui propose l’idée, elle accepte mais non sans témoigner de son angoisse à devoir laisser venir ces choses pour les mettre dans la boîte et donc le risque de se retrouver face à elles. Venant de quitter une journée de perfectionnement où nous avons approfondi l’induction d’Elman, je trouve alors tout à fait pertinent de lui proposer. L’approfondissement de la trace et la confusion sont nécessaires pour la laisser faire ce qu’elle a à faire dans les conditions les plus sécurisantes possibles. Cet exercice du coffre- fort présente « trois sécurités » : le coffre-fort fermé à clé et enterré dans un lieu, l’enterre- ment de la clé dans un autre lieu, et la volonté de la patiente comme deuxième clé.
PROTOCOLE
-Thérapeute (pré-talk) : « Tout à l’heure, mais pas tout de suite, vous irez dans le lieu de votre choix, que vous connaissez ou bien un lieu imaginaire. Vous y verrez la boîte dans laquelle vous viendrez déposer toutes les pensées... émotions... souvenirs... symboles... mots... ou tout autre chose qui vous empêche de vous endormir sereinement. Vous verrez aussi tous les outils qui vous sont nécessaires pour creuser, que ce soit une pelle, une pioche ou bien un bulldozer, ou autre. Vous vous en approcherez, vous mettrez dans la boîte tout ce que vous avez à y mettre, sans chercher à les élaborer, sans vous attarder dessus, sans cher- cher une logique entre elles... Tout à l’heure je viendrai soulever votre bras comme ceci (je lui montre) pour vérifier son tonus. Est-ce que vous m’autorisez à vous toucher ?
- Sophie : Oui.
- Th. : Vous préférez rentrer en hypnose les yeux ouverts ou les yeux fermés ?
- Sophie : Yeux fermés.
- Th. : OK, très bien. Allez-y... Pendant que les paupières sont fermées, pendant quelques instants, une part de vous prend le temps d’observer les bruits autour vous... propres à cette pièce... ou bien extérieurs à cette pièce... Voilà... Et puis sur une grande inspiration, vous ressentez la façon dont votre corps est positionné dans ce fauteuil... confortablement, profondément bien installé. Imaginez que sur les paupières, il y a quelque chose qui va les alourdir de plus en plus... une chose de votre choix... je ne sais pas... un fil de pêche... de la colle... des volets roulants... ou tout autre chose selon votre choix. C’est vous qui déci- dez... Vous pouvez essayer d’ouvrir les yeux... et vous constaterez que cela est difficile de les ouvrir... oh, oui... comme ceci... et ce sera de plus en plus difficile de les ouvrir. Allez-y, re- fermez les yeux... ressentez cette lourdeur sur les paupières jusqu’à ce que cela devienne tota- lement impossible de les ouvrir. (Elle n’y arrive plus.) Parfait, très bien...
-Th. : ...Et puis vous ressentez que votre bras, de l’épaule jusqu’au bout des doigts, devient totalement mou... complètement mou... et lourd... vous savez, un peu comme s’il s’agissait d’un pull en laine trempé dans de l’eau chaude et qu’on essaye de soulever. (Je m’approche et soulève son bras qui retombe lourdement.) Parfait...
- Th. : ...Maintenant vous allez partir de 100 et décomptez de 3 en 3... progressivement et jusqu’à ce que cela devienne de plus en difficile... confus... et qu’il soit devenu impossible de continuer... 100... 97... 92... 89... Très bien, essayez de continuer... cela devient de plus en plus confus... impossible...
- Th. : ...Derrière les paupières fermées... vous voyez un lieu... celui que vous avez choisi... réel ou imaginaire... seule vous connaissez où se trouve ce lieu... uniquement vous... et c’est très bien ainsi... Lorsque vous y êtes, vous me faites un signe (importance du signaling à chaque étape)... OK, parfait. Vous observez la boîte, celle dans laquelle... d’ici quelques instants vous viendrez placer toutes les choses qui s’imposent à vous et auxquelles vous ne sou- haitez pas penser... surtout lorsque vous êtes sur le point de vous endormir...
1ÈRE SÉCURITÉ : LA BOÎTE FERMÉE À CLÉ ET ENTERRÉE
(La patiente pleure…
Pour lire la suite...
Delphine Le Gris Psychologue clinicienne diplômée en 2013 d’un master Psychologie clinique et pathologique. Formation à l’hypnose et aux thérapies brèves au sein de l’IMHEN de Normandie en 2021-2022. Exerce en libéral depuis 2020.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv. 2025
Les interactions pour favoriser un changement.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
. Introduction Espace Douleur Douceur.
. Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
. Livres en bouche
. Résumé
Sophie est une patiente que je suis depuis plus d’un an. Son histoire de vie est ponctuée de relations insécurisantes : de ses premiers liens à sa mère puis dans deux relations de couple. La première relation avec un homme plus âgé lui a permis de quitter le domicile familial à l’âge de 18 ans. Elle aura quatre en- fants avec cet homme. Sa dernière relation dont elle aura initié la séparation au cours de sa psychothérapie ne lui aura pas non plus laissé de place suffisante en tant que sujet propre et désirant. La psychothérapie initiée ensemble a donc pour objectif de développer ce processus de subjectivation. Lors de notre dernière séance, Sophie verba- lise une fois de plus sa sensation de se sentir débordée, mais à la différence que cette fois- ci elle s’est autorisée à lancer les démarches pour bénéficier d’une VAE (validation des acquis d’expérience professionnelle).
Dans son quotidien professionnel et personnel, elle repère le même mécanisme persistant : se donner beaucoup de tâches à faire pour ne pas penser, cela s’étant majoré depuis qu’elle vit seule, depuis sa séparation. Sophie évoque spontanément son désir de trouver une solution à son problème de sommeil. Ce n’est pas le temps nécessaire à son endormisse- ment qui lui pose problème mais la qualité de celui-ci. « Je ne peux pas m’endormir sans bruit et cela abîme mon sommeil car cela me réveille un peu plus tard dans la nuit. » Elle se questionne sur l’origine de son comporte- ment qui a toujours été là, même lorsqu’elle était en couple. Elle veut creuser le sujet. Cela ne semble pas s’expliquer par un sentiment de solitude difficilement tolérable. Par l’interro- gatoire elle perçoit que s’endormir avec une voix permet de court-circuiter ses pensées. Mais lesquelles ? Il ne s’agit pas des restes diurnes mais « des pensées qui sont angoissantes passées ou présentes », celles qu’elle ne peut pas régler de son histoire.
Son désir de creuser les choses m’a alors donné l’idée de creuser un trou dans lequel elle pourrait mettre un coffre-fort qui contiendrait tout ce qui l’empêche de s’endormir dans le calme et le silence. Je lui propose l’idée, elle accepte mais non sans témoigner de son angoisse à devoir laisser venir ces choses pour les mettre dans la boîte et donc le risque de se retrouver face à elles. Venant de quitter une journée de perfectionnement où nous avons approfondi l’induction d’Elman, je trouve alors tout à fait pertinent de lui proposer. L’approfondissement de la trace et la confusion sont nécessaires pour la laisser faire ce qu’elle a à faire dans les conditions les plus sécurisantes possibles. Cet exercice du coffre- fort présente « trois sécurités » : le coffre-fort fermé à clé et enterré dans un lieu, l’enterre- ment de la clé dans un autre lieu, et la volonté de la patiente comme deuxième clé.
PROTOCOLE
-Thérapeute (pré-talk) : « Tout à l’heure, mais pas tout de suite, vous irez dans le lieu de votre choix, que vous connaissez ou bien un lieu imaginaire. Vous y verrez la boîte dans laquelle vous viendrez déposer toutes les pensées... émotions... souvenirs... symboles... mots... ou tout autre chose qui vous empêche de vous endormir sereinement. Vous verrez aussi tous les outils qui vous sont nécessaires pour creuser, que ce soit une pelle, une pioche ou bien un bulldozer, ou autre. Vous vous en approcherez, vous mettrez dans la boîte tout ce que vous avez à y mettre, sans chercher à les élaborer, sans vous attarder dessus, sans cher- cher une logique entre elles... Tout à l’heure je viendrai soulever votre bras comme ceci (je lui montre) pour vérifier son tonus. Est-ce que vous m’autorisez à vous toucher ?
- Sophie : Oui.
- Th. : Vous préférez rentrer en hypnose les yeux ouverts ou les yeux fermés ?
- Sophie : Yeux fermés.
- Th. : OK, très bien. Allez-y... Pendant que les paupières sont fermées, pendant quelques instants, une part de vous prend le temps d’observer les bruits autour vous... propres à cette pièce... ou bien extérieurs à cette pièce... Voilà... Et puis sur une grande inspiration, vous ressentez la façon dont votre corps est positionné dans ce fauteuil... confortablement, profondément bien installé. Imaginez que sur les paupières, il y a quelque chose qui va les alourdir de plus en plus... une chose de votre choix... je ne sais pas... un fil de pêche... de la colle... des volets roulants... ou tout autre chose selon votre choix. C’est vous qui déci- dez... Vous pouvez essayer d’ouvrir les yeux... et vous constaterez que cela est difficile de les ouvrir... oh, oui... comme ceci... et ce sera de plus en plus difficile de les ouvrir. Allez-y, re- fermez les yeux... ressentez cette lourdeur sur les paupières jusqu’à ce que cela devienne tota- lement impossible de les ouvrir. (Elle n’y arrive plus.) Parfait, très bien...
-Th. : ...Et puis vous ressentez que votre bras, de l’épaule jusqu’au bout des doigts, devient totalement mou... complètement mou... et lourd... vous savez, un peu comme s’il s’agissait d’un pull en laine trempé dans de l’eau chaude et qu’on essaye de soulever. (Je m’approche et soulève son bras qui retombe lourdement.) Parfait...
- Th. : ...Maintenant vous allez partir de 100 et décomptez de 3 en 3... progressivement et jusqu’à ce que cela devienne de plus en difficile... confus... et qu’il soit devenu impossible de continuer... 100... 97... 92... 89... Très bien, essayez de continuer... cela devient de plus en plus confus... impossible...
- Th. : ...Derrière les paupières fermées... vous voyez un lieu... celui que vous avez choisi... réel ou imaginaire... seule vous connaissez où se trouve ce lieu... uniquement vous... et c’est très bien ainsi... Lorsque vous y êtes, vous me faites un signe (importance du signaling à chaque étape)... OK, parfait. Vous observez la boîte, celle dans laquelle... d’ici quelques instants vous viendrez placer toutes les choses qui s’imposent à vous et auxquelles vous ne sou- haitez pas penser... surtout lorsque vous êtes sur le point de vous endormir...
1ÈRE SÉCURITÉ : LA BOÎTE FERMÉE À CLÉ ET ENTERRÉE
(La patiente pleure…
Pour lire la suite...
Delphine Le Gris Psychologue clinicienne diplômée en 2013 d’un master Psychologie clinique et pathologique. Formation à l’hypnose et aux thérapies brèves au sein de l’IMHEN de Normandie en 2021-2022. Exerce en libéral depuis 2020.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv. 2025
Les interactions pour favoriser un changement.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
. Introduction Espace Douleur Douceur.
. Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
. Livres en bouche
. Résumé
Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris
La peur du conflit. Utilisation de stratagèmes.
Dr Michel DUMAS pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Endurer, prendre sur soi, se retenir d’en parler. Et surtout, éviter tout conflit. La solution à apporter à la patiente Stéphanie de sortir d’un schéma bloqué avec son mari ? User de stratagèmes pour se vacciner contre l’allergie au conflit.
Je reçois Stéphanie, 59 ans, aide-soignante.
- Thérapeute : « Bonjour Stéphanie, qu’est-ce qui vous ferait dire merci à l’hypnose ou aux thérapies brèves dans les jours à venir ?
- Stéphanie : Je dirais merci si mon mari était plus gentil avec moi !
- Th. : Il n’est pas gentil avec vous ?
- Stéphanie : Je fais tout ce que je peux pour le contenter et il ne fait jamais rien pour moi ni à la maison. Je vous avoue que nous n’avons plus de rapports sexuels depuis quelques années. Cela me blesse beaucoup car j’ai peur de ne plus être aimée. Il reste très gentil avec moi mais j’ai l’impression qu’il s’en fout. Il est souvent triste et reste seul devant son téléviseur.
- Th. : Que dit-il quand vous lui expliquez ce problème ?
- Stéphanie : J’ai peur de déclencher un conflit. Je n’ose pas lui en parler. Alors, je ne dis rien.
- Th. : Voyez-vous ainsi les choses s’améliorer ?
- Stéphanie : Non, au contraire, mais j’ai peur de ne plus être aimée.
- Th. : Votre mari a certainement de bonnes raisons pour se comporter ainsi. Sans ses explications, il est impossible de savoir. Pensez-vous qu’il est dépressif ? Il a des soucis dans son travail ?
- Stéphanie : Oui, il a des soucis professionnels. Il est artisan plombier. Ça ne marche pas comme il voudrait.
- Th. : Il aurait peut-être besoin d’une thérapie, mais vous comprenez bien que nous ne pouvons pas forcer les gens à se soigner pour aller mieux. L’hypnose et les thérapies brèves vous apprennent aujourd’hui que le fait d’être très gentille avec lui peut, hélas, produire l’effet inverse. Par exemple, plus un insomniaque veut trouver le sommeil, moins il le trouvera... »
- Th. : « Je me permets de vous raconter une histoire vraie. Il y a quelques années, j’ai reçu une patiente qui avait des problèmes de couple.
Elle croyait que son mari la trompait. Elle avait vu des messages suspects sur son smartphone. Son mari a essayé de la rassurer. Une fois la crise passée, elle a mis en place un fonctionnement qui a augmenté son stress. Elle m’a expliqué qu’elle surveillait son téléphone, ses mails, l’heure de son retour à la maison... Cette patiente, très intelligente, m’avoue sa crainte : “je le surveille tellement que je crains de faire exploser notre couple. Mais c’est plus fort que moi, je n’ai plus confiance et je lui mets beaucoup de pression. Je crains que ce soit maintenant moi qui favorise un divorce”. Elle ne savait plus comment faire. L’hypnose …
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Dr Michel DUMAS Médecin généraliste à Nîmes depuis 1984. DU d’hypnose médicale en 2011 à la Faculté de médecine de Montpellier. Perfectionnement à la Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière à Paris. Formé aux thérapies brèves et aux thérapies narratives à l’ARePTA-IMHENA à Nantes.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024
La puissance thérapeutique de la relation humaine
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :
Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.
. Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.
. Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.
. Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.
. Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par, Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.
. Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».
. Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .
A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.
. Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).
Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».
. Livres en bouche du mois.
- Thérapeute : « Bonjour Stéphanie, qu’est-ce qui vous ferait dire merci à l’hypnose ou aux thérapies brèves dans les jours à venir ?
- Stéphanie : Je dirais merci si mon mari était plus gentil avec moi !
- Th. : Il n’est pas gentil avec vous ?
- Stéphanie : Je fais tout ce que je peux pour le contenter et il ne fait jamais rien pour moi ni à la maison. Je vous avoue que nous n’avons plus de rapports sexuels depuis quelques années. Cela me blesse beaucoup car j’ai peur de ne plus être aimée. Il reste très gentil avec moi mais j’ai l’impression qu’il s’en fout. Il est souvent triste et reste seul devant son téléviseur.
- Th. : Que dit-il quand vous lui expliquez ce problème ?
- Stéphanie : J’ai peur de déclencher un conflit. Je n’ose pas lui en parler. Alors, je ne dis rien.
- Th. : Voyez-vous ainsi les choses s’améliorer ?
- Stéphanie : Non, au contraire, mais j’ai peur de ne plus être aimée.
- Th. : Votre mari a certainement de bonnes raisons pour se comporter ainsi. Sans ses explications, il est impossible de savoir. Pensez-vous qu’il est dépressif ? Il a des soucis dans son travail ?
- Stéphanie : Oui, il a des soucis professionnels. Il est artisan plombier. Ça ne marche pas comme il voudrait.
- Th. : Il aurait peut-être besoin d’une thérapie, mais vous comprenez bien que nous ne pouvons pas forcer les gens à se soigner pour aller mieux. L’hypnose et les thérapies brèves vous apprennent aujourd’hui que le fait d’être très gentille avec lui peut, hélas, produire l’effet inverse. Par exemple, plus un insomniaque veut trouver le sommeil, moins il le trouvera... »
- Th. : « Je me permets de vous raconter une histoire vraie. Il y a quelques années, j’ai reçu une patiente qui avait des problèmes de couple.
Elle croyait que son mari la trompait. Elle avait vu des messages suspects sur son smartphone. Son mari a essayé de la rassurer. Une fois la crise passée, elle a mis en place un fonctionnement qui a augmenté son stress. Elle m’a expliqué qu’elle surveillait son téléphone, ses mails, l’heure de son retour à la maison... Cette patiente, très intelligente, m’avoue sa crainte : “je le surveille tellement que je crains de faire exploser notre couple. Mais c’est plus fort que moi, je n’ai plus confiance et je lui mets beaucoup de pression. Je crains que ce soit maintenant moi qui favorise un divorce”. Elle ne savait plus comment faire. L’hypnose …
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Dr Michel DUMAS Médecin généraliste à Nîmes depuis 1984. DU d’hypnose médicale en 2011 à la Faculté de médecine de Montpellier. Perfectionnement à la Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière à Paris. Formé aux thérapies brèves et aux thérapies narratives à l’ARePTA-IMHENA à Nantes.
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La puissance thérapeutique de la relation humaine
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :
Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.
. Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.
. Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.
. Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.
. Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par, Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.
. Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».
. Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .
A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.
. Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).
Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».
. Livres en bouche du mois.
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