- Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°73
- Comprendre, désensibiliser, revivre. Hors-série de la revue hypnose et thérapies brèves sur le psychotraumatisme.
- Les scénarios réparateurs. Un système nerveux autonome plein de ressources.
- « Give up » et dépression. Recadrage et conversation d'engagement.
- Un passeur de vie. De Julien BETBÈZE en hommage à Alain Vallée.
- «Oh non, pas lui !». Gérard OSTERMANN en hommage à Alain Vallée.
- Un pédagogue aguerri. Hommage à Alain Vallée (1950-2023) par Pierre CASTELNAU, président de la CFHTB.
- Abracadabra... «il a fait comme il a dit». Hommage à Alain Vallée de Wilfrid MARTINEAU
- Petite conversation thérapeutique Virginie LAGRÉE. Hommage à Alain Vallée (1950-2023)
- Il est parti... Hommage à Alain Vallée (1950-2023). Dr Jacques-Antoine MALAREWICZ.
- L’hypnose relationnelle rend chaque rencontre unique et riche.
Hypnothérapeutes à Paris, ils vous donnent leur avis au sujet de l'hypnose, de l'EMDR, des formations en hypnose médicale
Mis à jour : il y a 3 heures 28 min
Retrouver la confiance dans le lien humain. Revue hypnose et thérapies brèves 73.
Apport de la thérapie narrative. Dr Julien BETBEZE.
Travail sur l’intentionnalité dans les traumas complexes pour monter sur la berge.
Pour cette patiente, monter sur la berge c’est se sortir du tsunami de son trauma. Une forme de « sauvetage » rendu possible par un travail d’accordage et de co-thérapie pour rétablir des relations de confiance et renouer le lien avec les humains.
La difficulté rencontrée par un thérapeute lorsqu’il est confronté à un trauma complexe, est de travailler avec un sujet qui a perdu confiance en tout lien humain, dans un monde où prolifèrent les doubles liens avec de nombreux blocages sensoriels et une pauvreté de la pensée. Dans ce monde, les intentions relationnelles ont disparu.
A la différence de l’état de stress post-traumatique où le vécu traumatique est contextuel et où il reste des relations sécures en dehors du contexte traumatique, le trauma complexe est caractérisé par un envahissement généralisé de la problématique traumatique, le sujet restant prisonnier dans un labyrinthe de processus dissociatifs. Dans cette occurrence, le « sujet » ne peut pas se réassocier quelles que soient les modifications de ses actions, car il n’y a aucun espace sécure dans sa relation au monde, du fait de l’absence d’accordage dans sa relation à l’autre et à lui-même. Aucune action n’a de sens, il reste sous l’influence de l’impuissance et de l’effroi, aucun autre n’étant crédible pour venir à sa rencontre. En effet la dissociation, caractérisée par une contradiction entre relation à l’autre et relation à soi, plonge le sujet dans une expérience abandonnique de « seul au monde ».
« PENSÉE PAR TAS »
Dans cette expérience, les vides de pensée, les ruminations, les interprétations limitantes, la lutte contre les ressentis sensoriels et les actions automatiques s’enracinent dans un langage organisé selon une « pensée par tas ».
Le monde abandonnique amène le sujet à construire des « petits tas » de signification, auxquels il s’accroche pour échapper à l’émiettement chaotique et tenter de donner du sens à une expérience insensée. Dans cette expérience transie par des angoisses de mort, toute action peut déboucher sur des angoisses d’effondrement et toute tentative d’entrée dans la relation se traduit par des angoisses d’étouffement ou de rejet, caractéristiques de l’expérience de maltraitance. Devant la multiplication des doubles liens, le trauma s’invite dans les différents secteurs de vie du sujet, les intentions relationnelles s’absentent, la vie affective est anesthésiée, les troubles émotionnels tournent à vide ; l’absence d’accordage rigidifie le jeu relationnel et maintient le sujet dans un chaos insensé.
ACCORDAGE ET INTENTION
Dans ces prises en charge où aucun lien sécure ne tient, et où l’installation d’une relation thérapeutique est toujours problématique, un travail spécifique à partir de la compréhension de l’autonomie relationnelle sert de guide pour construire un chemin qui pourrait enfin donner un sens à la vie du sujet.
Sortir de cette impasse, où l’action se retourne contre elle-même, implique de rendre à nouveau perceptible la dimension intentionnelle. Cette visée intentionnelle est le vecteur de la vie affective et des gestes relationnels donnant forme à la subjectivité dans une dimension dialogique. Et c’est en co-construisant une relation d’accordage que le sujet et le thérapeute vont pouvoir donner forme à l’intentionnalité et enrichir leur pensée. L’accordage permet d’accueillir la vie relationnelle et donner sens aux effets relationnels des actions.
Ainsi le sujet peut commencer, baigné dans la chair de la relation thérapeutique, à vivre une expérience d’autonomie dans la relation. Se sentant plus en sécurité, il va pouvoir se positionner physiquement et psychiquement de manière plus active. Cette prise de position rend possible l’accueil de ses ressentis sensoriels, et donne sens à son affectivité. Accueillant ainsi ses potentialités créatives, le sujet va être en capacité de s’investir dans un imaginaire partagé où la signification des mots peut commencer à agir dans une dynamique interactive.
ACCORDAGE ET RÉACCORDAGE
La mise en place de l’accordage est ainsi le point de départ pour installer une zone d’activation optimale, indispensable dans le début de la prise en charge des traumas complexes. Celui-ci est la base de la stabilisation émotionnelle à l’intérieur d’un espace plus sécure. La première étape après l’accueil du sujet est de l’amener à sentir que le thérapeute est disponible pour accueillir sa singularité et faire face aux monstres qui le perturbent. Le début de l’entretien est ainsi très important pour introduire un espace sécurisant.
Cela passe par la mise en parole du vécu du patient dans l’espace de la pièce et de la relation, le thérapeute accueillant de manière in- conditionnelle la position et le vécu du sujet.
Le développement d’une meilleure coopération passe par l’observation attentive de trois éléments : les réactions corporelles du sujet, les résonances ressenties par le thérapeute, et les mouvements d’interaction au sein du processus d’accordage. Ces différentes informations sont en lien à la fois avec l’intention de rentrer en relation et en même temps avec des actions automatiques de survie. Ces informations doivent ensuite être mises en mots, et les actions automatiques doivent être comprises comme un effet du processus traumatique, celui-ci faisant vaciller l’expérience de la liberté relationnelle. C’est la raison pour laquelle la thérapie se situe dans un contexte de co-thérapie, le thérapeute posant les questions qu’il se pose lui-même quand il est en lien avec les effets de la scène traumatique.
Le thérapeute utilise les techniques hypnotiques de mise en relation dans un contexte intentionnel. En disant, par exemple « vous êtes assis… vous entendez ma voix… », le thérapeute ne se contente pas de constater ce qui est, mais rend audible son intentionnalité d’être en relation avec l’autre. Lorsqu’il dit « vous entendez ma voix… », le thérapeute sous-entend : « je me réjouis que vous soyez là, présent, me faisant confiance, et écoutant ce que je vous propose ». La dimension intentionnelle de la parole du thérapeute est fondamentale dans ce qu’on pourrait appeler un « yes set intentionnel », qui peut amener le thérapeute à demander au patient l’autorisation de se mettre dans la même position physique que lui, pour mieux le rejoindre dans son expérience. Cela implique évi- demment que le sujet perçoive que le thérapeute ne réduit pas les symptômes (angoisse, insomnie...) à l’expression d’un processus identitaire (« je suis angoissé, je suis insomniaque… »). Le thérapeute accueille d’abord le « je » (du « je suis angoissé »), avant d’externaliser l’angoisse. Ce langage externalisant, avec la co-création d’un espace imaginaire commun support de la conversation hypnotique, va permettre au sujet de se connecter aux intentions relationnelles du thérapeute, c’est-à-dire de le percevoir avant tout comme un être humain et non pas comme un simple technicien. Cela l’autorise à imaginer qu’il pourra un jour faire partie de ce monde des humains. Et lorsqu’il sentira que le thérapeute est touché par certains effets de son histoire (impuissance, angoisse, trahison, rejet, etc.), il aura la capacité de ramener ses perceptions à une expérience partagée.
Nous devons être attentifs à la manière dont s’amorce la relation d’accordage, là où elle est présente et là où elle peut se défaire. En effet, elle peut facilement se défaire à ce stade précoce où le sujet est encore dans une perception étroite, en lien avec une pensée par tas. Pour le sujet, toute relation sous l’influence du trauma prend la forme d’une relation de maltraitance, c’est-à-dire d’une relation dans laquelle le sujet ne perçoit pas, au niveau affectif, la possibilité de pouvoir vivre une expérience d’autonomie dans une relation. Même s’il commence à envisager au niveau cognitif les bonnes intentions du thérapeute, il a encore tendance à s’appuyer sur ses anciens réflexes, qui lui font percevoir le théra- peute comme arrimé à une position de pouvoir, sachant mieux que le sujet ce qui est bon pour lui.
TRAVERSÉE DES ANGOISSES DE MALTRAITANCE
La demande de permission (en particulier chaque fois que sont abordés les relations et le vécu interne) et l’externalisation sont des moyens essentiels pour installer une relation plus singulière.
Lorsque le sujet répond aux questions posées, le thérapeute reste très attentif à la première occurrence de l’emploi du « je », ainsi qu’aux métaphores et aux gestes spontanés du sujet. Le début de la conversation thérapeutique est marqué par de nombreuses « lignes éditoriales », où le thérapeute reformule ce qu’il a entendu en intégrant la dimension du « je ». Par exemple, si le sujet a pu exprimer sa souffrance sous forme d’une phrase commençant par « je... » (« je suis nul, je ne vaux rien… », « j’ai envie de me suicider... »), cela est le signe de l’installation d’une confiance vis-à-vis du thérapeute, de lui-même, et de la relation thérapeutique : c’est la raison pour laquelle le thérapeute devra intégrer ce « je...» dans sa reformulation, signant l’ouverture d’un espace de coopération. Ainsi le thérapeute va reformuler les propos recueillis, en disant : « si je comprends bien, vous me dites: je suis nul, je ne vaux rien…, est-ce bien cela que vous avez voulu me dire… ? ou est- ce autre chose… ? ». Cette reprise du « je » amène le sujet à commencer à se percevoir comme autonome dans la relation. Formuler ainsi cette « ligne éditoriale » renforce le lien entre le sujet et le thérapeute, celui-ci propose alors au sujet de choisir le thème sur lequel il souhaite continuer la conversation pour élucider les obscurités dans lesquelles il se dé- bat. Cette introduction du choix renforce la nouvelle dynamique de coopération dans la- quelle le sujet peut expérimenter une liberté en devenir. L’installation progressive de l’autonomie relationnelle prépare l’expérience fondatrice à partir de laquelle le sujet pourra s’extraire du pouvoir du trauma et prendre position sur sa vie à venir.
Si l’effet principal du trauma a été de détruire la confiance dans la relation humaine et dans les valeurs préférées du sujet (comme par exemple le respect, la liberté qui ne sont plus que des mots vides), la mise en place de l’autonomie relationnelle, dans la relation avec le thérapeute, contribue à redonner sens à une expérience de valeurs incarnées. En effet, les valeurs comme expression de la vie affective sont les formes langagières et culturelles de l’autonomie relationnelle. C’est à partir de leur existence que le sujet peut à nouveau avoir confiance dans le lien humain.
Redonner sens aux valeurs implique de vivre d’abord une relation dans laquelle le sujet a la certitude d’avoir de la valeur. Pour cela, même lorsqu’il agit dans une relation en décalage avec les attentes de l’autre, il est nécessaire que le sujet prenne conscience que l’autre perçoit ses intentions d’enrichir la relation. C’est sa prise d’initiative qui, ainsi accueillie, enrichit la puissance de vie de l’autre. En retour, le sujet fait l’expérience d’avoir de la valeur au sein d’une relation qu’il découvre maintenant comme un espace sécu- re, dans lequel il peut déployer sa créativité.
Alors cette liberté enrichit la vie des deux membres de cette relation, chacun se sentant valorisé par l’autre. Ainsi, même si l’action de l’un n’est pas adaptée, l’autre est en capacité d’en percevoir l’intention relationnelle. Par exemple, pour faire plaisir à un ami friand de chocolat, vous décidez de lui préparer un gâteau au chocolat. Certes vos talents culinaires sont importants, mais ce n’est pas là l’essentiel, il s’agit plutôt de montrer que votre intention, en réalisant ce plat, est d’honorer votre relation d’amitié. Et c’est à cette condition que le plaisir est partagé et enrichit la relation. Et même si le gâteau n’est pas parfait selon vous, c’est cette intention de partage, reconnue par l’autre, qui vous permet d’accueillir vos ressentis sensoriels en lien avec cette petite déception. Dans le cas contraire, lorsque l’intention relationnelle n’est pas accueillie par l’autre, vous tombez momentanément dans le vide, et ce qui n’était qu’une petite déception devient un abîme dans lequel votre valeur s’évapore.
Si l’effet principal du monde traumatique est la perte de la confiance en la relation humaine, la dissolution de la vie intentionnelle et la perte du sens des valeurs, la thérapie des traumas complexes consiste d’abord à retrouver et à partager cette perception intentionnelle pour reprendre confiance en la relation humaine.
HISTOIRE DE MADAME T.
Madame T., âgée de 49 ans, présentant de nombreux antécédents traumatiques, consulte pour une dépression chronique, avec anxiété et dévalorisation. Elle décrit sa vie comme un amoncellement d’échecs affectifs et professionnels. Elle a créé une entreprise qui a fait faillite. Après un divorce, elle a réussi à reconstruire une relation aujourd’hui fortement en crise. Son conjoint actuel fait chambre à part et lui a indiqué son intention de la quitter si elle ne changeait pas. Son histoire est dominée par un sentiment d’échec personnel : quoi qu’elle fasse, « rien ne va, les autres ne me comprennent pas et me rejettent », comme son premier compagnon et son fils qui ne veut plus la voir. Sa souffrance est perceptible lorsqu’elle évoque son incapacité à construire des relations de confiance.
Après plusieurs « lignes éditoriales », où le « je » de l’énonciation de cette souffrance a pu être entendu (« j’avais confiance en lui »), une conversation s’est initiée sur le rôle de la confiance dans la construction d’une relation humaine. Elle a pu retrouver des histoires de confiance dans sa vie et celle des autres, et réfléchir au lien entre la confiance et la possibilité de construction d’un projet commun.
Sous l’influence de la pensée par tas, caractéristique du monde traumatique et du vécu abandonnique, elle décrit l’expérience de la confiance et celle de la construction comme deux entités apposées l’une à côté de l’autre, sans lien. La présence de l’accordage donne l’opportunité au thérapeute d’amener Mme T. à tisser un lien entre la confiance et la construction : ainsi peut s’initier, grâce à la collaboration avec le thérapeute, un mode de « pensée par complexe » dans lequel la signification des mots, intégrant les différences de contexte, peut être partagée socialement. Cette nouvelle dynamique cognitive qui porte une composante relationnelle va l’autoriser à parler de la souffrance ressentie depuis la perte de contact avec son fils. Il est très important de réaliser que cette mère peut parler de sa douleur, justement parce qu’elle se sent en confiance avec le thérapeute. Si celui-ci n’accueille pas suffisamment le sens de cette souffrance en posant trop rapidement des questions à Mme T. sur les moments où son fils lui a fait confiance, ce questionnement risque de provoquer un sentiment de culpabilité lié à l’obligation de construire des relations de confiance. Cette obligation implicite dans laquelle Mme T. n’a pas de choix risque de réactiver l’influence du trauma et de réduire son vécu de confiance à un discours sur la confiance.
REDONNER DU SENS À L’INTENTIONNALITÉ
C’est parce qu’elle a senti que ses peurs concernant ses relations ont été accueillies durant l’entretien, qu’elle a pu spontanément évoquer l’anecdote suivante : « Mon conjoint ne dort plus avec moi, il me dit que si ça continue il va divorcer, qu’il l’a déjà fait une fois et qu’il n’a pas peur de recommencer. Il dit qu’il est un homme libre et que je vis dans la peur et la dépendance. » Ce récit lié à la peur l’amène à conclure : « Je suis une merde. » L’important à ce moment-là pour le thérapeute est de ne pas se faire recruter par cette histoire traumatique, et pour cela l’aider à percevoir la perte de confiance comme un effet secondaire de la peur et donc du trauma. Cette lecture est facilitée par l’emploi d’un questionnement externalisant qui fait ressortir le rôle du contexte de peur dans la perte de confiance. A partir de là, le « même pas peur » du mari pourra être interprété différemment. Ce n’est plus le message « je n’ai même pas peur de te quitter car moi, je suis autonome », mais le retour d’une signification intentionnelle où le « même pas peur (…) qui nous permet de construire un avenir commun) » est partageable. Si jusque-là MmeT. trouvait qu’avec le « même pas peur » son mari jouait les gros bras (mais au fond avait peur de partir puisqu’il continuait à habiter avec elle), elle comprend maintenant que si elle a perçu de la peur chez lui, ce n’est pas celle de partir, mais la peur qu’elle n’entende pas son intention de construire avec elle un projet où existent des relations de confiance. Cette prise de conscience de l’intentionnalité relationnelle du mari la touche affectivement, elle prend tout à coup conscience qu’elle a de la valeur pour lui et s’éloigne donc de l’image d’« être une merde » produite par le trauma.
CONVERSATION DE RE-MEMBERING
Ce changement de regard de Mme T. sur sa relation conjugale, en favorisant une nouvelle perception d’elle-même comme une femme ayant de la valeur, amène une modification émotionnelle, visible physiquement par le thérapeute, lui-même touché par cette évo- lution. C’est le moment où il va pouvoir poser des questions pour enrichir le lien de Mme T. avec d’autres histoires de confiance, avant d’introduire un questionnement spécifique sur l’intentionnalité et sur son lien avec l’humanité :
- Thérapeute : « Si je comprends bien, pour qu’une relation soit vraiment humaine, pour vous comme pour les autres, la confiance doit être présente ?
Devant sa réponse affirmative, d’autres questions sont posées afin de rentrer dans une conversation renforçant sa perception d’être une personne qui a de la valeur.
- Th. : Qui ne serait pas surpris que, pour vous, pour qu’une relation soit une relation humaine, la confiance doit être présente ?
Pour lire la suite de la consultation...
Dr Julien BETBÈZE Rédacteur en chef de la revue « Hypnose & Thérapies brèves ». Pédopsychiatre et psychiatre adultes, chef de service de l’Accueil familial thérapeutique de Loire-Atlantique de 1998 à 2018.
Chargé de cours à la Faculté de médecine de Nantes (DU Addictions, DU Hypnose, DU Douleur) et au sein des Instituts de la CFHTB. Responsable pédagogique et formateur en hypnose, thérapies stratégiques, solutionnistes et narratives à l’Arepta- IMHENA (Institut Milton H. Erickson Nantes).
N°73 : Mai / Juin / Juillet 2024
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°73 :
''En thérapie brève, comme en hypnose formelle, le thérapeute doit posséder de solides connaissances cliniques et la capacité à rentrer dans une transe partagée avec le sujet qu’il accompagne. A partir de cette expérience relationnelle, le thérapeute va poser des questions pour permettre au sujet de se décaler de l’histoire pathologique dans laquelle il est enfermé.''
Jérémie Roos nous montre comment l’utilisation du questionnement externalisant va permettre chez une jeune femme de 20 ans, prise dans une histoire de conflit de loyauté, de TOC et de surpoids, d’ouvrir un espace de liberté où elle pourra assumer ses prises de décision et trouver la force de renégocier sa place dans les relations. Je vous propose ensuite un texte où je développe un certain nombre de chemins pour « reprendre confiance dans le lien humain », quand celui-ci a été détruit par des vécus traumatiques. Il n’y a qu’à partir d’une expérience de sécurité, en lien avec une confiance retrouvée, que le sujet est en capacité de faire face aux effets du trauma.
Bernard Mayer souligne l’importance du travail avec le corps dans la désensibilisation des traumas. A travers le cas d’Eglantine, il nous fait percevoir l’importance du travail avec le Système nerveux autonome pour remettre en mouvement les processus de réassociation.
Dans l’« Espace Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente le travail de trois praticiens : - Dans le cas d’une douleur d’épaule, Michel Dumas nous indique comment l’hypnose favorise la réconciliation avec cette partie du corps isolée par la douleur.
- Christophe Hardy nous ouvre à l’utilisation hypnotique du « swiss ball » pour redonner du mouvement à un dos enfermé dans la lombalgie.
- Laurence Dalem nous rappelle l’importance des soins palliatifs et combien la relation n’appartient jamais à une personne, mais est toujours partagée.
Dans le dossier thématique ''Interroger nos pratiques'', Guillaume Delannoy et Nathalie Koralnik nous font comprendre qu’aucun thérapeute n’est à l’abri de faire une « mauvaise séance » et ils développent ainsi un mode d’emploi en 20 points pour s’empêcher de réussir !
Vous pouvez en profiter pour lire le « Quiproquo » de Stefano Colombo sur l’échec, illustré avec humour par Muhuc, afin de comprendre pourquoi l’hypnose, on ne peut pas la réussir, avec un grand avantage : pas de réussite, pas d’échec !
J’ai eu le grand plaisir d’interviewer Dominique Megglé à la suite de la publication de son livre ''Les chaussettes trouées'', synthèse des points importants émergeant de sa longue expérience de clinicien. Il évoque l’importance de penser la psychopathologie à partir de l’hypnopathologie. Voilà une position novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives pour nous interroger sur la pertinence de nos pratiques.
Stéphane Radoykov questionne également sa pratique, tout en acceptant ses limites, il recherche des améliorations en sortant par exemple du piège des automatismes. Il fait référence aux questionnaires de Scott D. Miller, essentiels pour se situer dans une dimension de co-construction pour ouvrir des possibles.
Adrian Chaboche nous rappelle la phrase d’Erickson pour nous inciter à être créatifs : « N’imitez pas. Soyez naturellement vous-même. J’ai passé du temps à essayer d’imiter d’autres, ce fut un désastre ! »
Sophie Cohen utilise « l’arbre de vie » pour aider Hélène à se libérer des relations dysfonctionnelles transgénérationnelles et s’autoriser à construire sa propre histoire en lien avec ses valeurs préférées.
Pour cette patiente, monter sur la berge c’est se sortir du tsunami de son trauma. Une forme de « sauvetage » rendu possible par un travail d’accordage et de co-thérapie pour rétablir des relations de confiance et renouer le lien avec les humains.
La difficulté rencontrée par un thérapeute lorsqu’il est confronté à un trauma complexe, est de travailler avec un sujet qui a perdu confiance en tout lien humain, dans un monde où prolifèrent les doubles liens avec de nombreux blocages sensoriels et une pauvreté de la pensée. Dans ce monde, les intentions relationnelles ont disparu.
A la différence de l’état de stress post-traumatique où le vécu traumatique est contextuel et où il reste des relations sécures en dehors du contexte traumatique, le trauma complexe est caractérisé par un envahissement généralisé de la problématique traumatique, le sujet restant prisonnier dans un labyrinthe de processus dissociatifs. Dans cette occurrence, le « sujet » ne peut pas se réassocier quelles que soient les modifications de ses actions, car il n’y a aucun espace sécure dans sa relation au monde, du fait de l’absence d’accordage dans sa relation à l’autre et à lui-même. Aucune action n’a de sens, il reste sous l’influence de l’impuissance et de l’effroi, aucun autre n’étant crédible pour venir à sa rencontre. En effet la dissociation, caractérisée par une contradiction entre relation à l’autre et relation à soi, plonge le sujet dans une expérience abandonnique de « seul au monde ».
« PENSÉE PAR TAS »
Dans cette expérience, les vides de pensée, les ruminations, les interprétations limitantes, la lutte contre les ressentis sensoriels et les actions automatiques s’enracinent dans un langage organisé selon une « pensée par tas ».
Le monde abandonnique amène le sujet à construire des « petits tas » de signification, auxquels il s’accroche pour échapper à l’émiettement chaotique et tenter de donner du sens à une expérience insensée. Dans cette expérience transie par des angoisses de mort, toute action peut déboucher sur des angoisses d’effondrement et toute tentative d’entrée dans la relation se traduit par des angoisses d’étouffement ou de rejet, caractéristiques de l’expérience de maltraitance. Devant la multiplication des doubles liens, le trauma s’invite dans les différents secteurs de vie du sujet, les intentions relationnelles s’absentent, la vie affective est anesthésiée, les troubles émotionnels tournent à vide ; l’absence d’accordage rigidifie le jeu relationnel et maintient le sujet dans un chaos insensé.
ACCORDAGE ET INTENTION
Dans ces prises en charge où aucun lien sécure ne tient, et où l’installation d’une relation thérapeutique est toujours problématique, un travail spécifique à partir de la compréhension de l’autonomie relationnelle sert de guide pour construire un chemin qui pourrait enfin donner un sens à la vie du sujet.
Sortir de cette impasse, où l’action se retourne contre elle-même, implique de rendre à nouveau perceptible la dimension intentionnelle. Cette visée intentionnelle est le vecteur de la vie affective et des gestes relationnels donnant forme à la subjectivité dans une dimension dialogique. Et c’est en co-construisant une relation d’accordage que le sujet et le thérapeute vont pouvoir donner forme à l’intentionnalité et enrichir leur pensée. L’accordage permet d’accueillir la vie relationnelle et donner sens aux effets relationnels des actions.
Ainsi le sujet peut commencer, baigné dans la chair de la relation thérapeutique, à vivre une expérience d’autonomie dans la relation. Se sentant plus en sécurité, il va pouvoir se positionner physiquement et psychiquement de manière plus active. Cette prise de position rend possible l’accueil de ses ressentis sensoriels, et donne sens à son affectivité. Accueillant ainsi ses potentialités créatives, le sujet va être en capacité de s’investir dans un imaginaire partagé où la signification des mots peut commencer à agir dans une dynamique interactive.
ACCORDAGE ET RÉACCORDAGE
La mise en place de l’accordage est ainsi le point de départ pour installer une zone d’activation optimale, indispensable dans le début de la prise en charge des traumas complexes. Celui-ci est la base de la stabilisation émotionnelle à l’intérieur d’un espace plus sécure. La première étape après l’accueil du sujet est de l’amener à sentir que le thérapeute est disponible pour accueillir sa singularité et faire face aux monstres qui le perturbent. Le début de l’entretien est ainsi très important pour introduire un espace sécurisant.
Cela passe par la mise en parole du vécu du patient dans l’espace de la pièce et de la relation, le thérapeute accueillant de manière in- conditionnelle la position et le vécu du sujet.
Le développement d’une meilleure coopération passe par l’observation attentive de trois éléments : les réactions corporelles du sujet, les résonances ressenties par le thérapeute, et les mouvements d’interaction au sein du processus d’accordage. Ces différentes informations sont en lien à la fois avec l’intention de rentrer en relation et en même temps avec des actions automatiques de survie. Ces informations doivent ensuite être mises en mots, et les actions automatiques doivent être comprises comme un effet du processus traumatique, celui-ci faisant vaciller l’expérience de la liberté relationnelle. C’est la raison pour laquelle la thérapie se situe dans un contexte de co-thérapie, le thérapeute posant les questions qu’il se pose lui-même quand il est en lien avec les effets de la scène traumatique.
Le thérapeute utilise les techniques hypnotiques de mise en relation dans un contexte intentionnel. En disant, par exemple « vous êtes assis… vous entendez ma voix… », le thérapeute ne se contente pas de constater ce qui est, mais rend audible son intentionnalité d’être en relation avec l’autre. Lorsqu’il dit « vous entendez ma voix… », le thérapeute sous-entend : « je me réjouis que vous soyez là, présent, me faisant confiance, et écoutant ce que je vous propose ». La dimension intentionnelle de la parole du thérapeute est fondamentale dans ce qu’on pourrait appeler un « yes set intentionnel », qui peut amener le thérapeute à demander au patient l’autorisation de se mettre dans la même position physique que lui, pour mieux le rejoindre dans son expérience. Cela implique évi- demment que le sujet perçoive que le thérapeute ne réduit pas les symptômes (angoisse, insomnie...) à l’expression d’un processus identitaire (« je suis angoissé, je suis insomniaque… »). Le thérapeute accueille d’abord le « je » (du « je suis angoissé »), avant d’externaliser l’angoisse. Ce langage externalisant, avec la co-création d’un espace imaginaire commun support de la conversation hypnotique, va permettre au sujet de se connecter aux intentions relationnelles du thérapeute, c’est-à-dire de le percevoir avant tout comme un être humain et non pas comme un simple technicien. Cela l’autorise à imaginer qu’il pourra un jour faire partie de ce monde des humains. Et lorsqu’il sentira que le thérapeute est touché par certains effets de son histoire (impuissance, angoisse, trahison, rejet, etc.), il aura la capacité de ramener ses perceptions à une expérience partagée.
Nous devons être attentifs à la manière dont s’amorce la relation d’accordage, là où elle est présente et là où elle peut se défaire. En effet, elle peut facilement se défaire à ce stade précoce où le sujet est encore dans une perception étroite, en lien avec une pensée par tas. Pour le sujet, toute relation sous l’influence du trauma prend la forme d’une relation de maltraitance, c’est-à-dire d’une relation dans laquelle le sujet ne perçoit pas, au niveau affectif, la possibilité de pouvoir vivre une expérience d’autonomie dans une relation. Même s’il commence à envisager au niveau cognitif les bonnes intentions du thérapeute, il a encore tendance à s’appuyer sur ses anciens réflexes, qui lui font percevoir le théra- peute comme arrimé à une position de pouvoir, sachant mieux que le sujet ce qui est bon pour lui.
TRAVERSÉE DES ANGOISSES DE MALTRAITANCE
La demande de permission (en particulier chaque fois que sont abordés les relations et le vécu interne) et l’externalisation sont des moyens essentiels pour installer une relation plus singulière.
Lorsque le sujet répond aux questions posées, le thérapeute reste très attentif à la première occurrence de l’emploi du « je », ainsi qu’aux métaphores et aux gestes spontanés du sujet. Le début de la conversation thérapeutique est marqué par de nombreuses « lignes éditoriales », où le thérapeute reformule ce qu’il a entendu en intégrant la dimension du « je ». Par exemple, si le sujet a pu exprimer sa souffrance sous forme d’une phrase commençant par « je... » (« je suis nul, je ne vaux rien… », « j’ai envie de me suicider... »), cela est le signe de l’installation d’une confiance vis-à-vis du thérapeute, de lui-même, et de la relation thérapeutique : c’est la raison pour laquelle le thérapeute devra intégrer ce « je...» dans sa reformulation, signant l’ouverture d’un espace de coopération. Ainsi le thérapeute va reformuler les propos recueillis, en disant : « si je comprends bien, vous me dites: je suis nul, je ne vaux rien…, est-ce bien cela que vous avez voulu me dire… ? ou est- ce autre chose… ? ». Cette reprise du « je » amène le sujet à commencer à se percevoir comme autonome dans la relation. Formuler ainsi cette « ligne éditoriale » renforce le lien entre le sujet et le thérapeute, celui-ci propose alors au sujet de choisir le thème sur lequel il souhaite continuer la conversation pour élucider les obscurités dans lesquelles il se dé- bat. Cette introduction du choix renforce la nouvelle dynamique de coopération dans la- quelle le sujet peut expérimenter une liberté en devenir. L’installation progressive de l’autonomie relationnelle prépare l’expérience fondatrice à partir de laquelle le sujet pourra s’extraire du pouvoir du trauma et prendre position sur sa vie à venir.
Si l’effet principal du trauma a été de détruire la confiance dans la relation humaine et dans les valeurs préférées du sujet (comme par exemple le respect, la liberté qui ne sont plus que des mots vides), la mise en place de l’autonomie relationnelle, dans la relation avec le thérapeute, contribue à redonner sens à une expérience de valeurs incarnées. En effet, les valeurs comme expression de la vie affective sont les formes langagières et culturelles de l’autonomie relationnelle. C’est à partir de leur existence que le sujet peut à nouveau avoir confiance dans le lien humain.
Redonner sens aux valeurs implique de vivre d’abord une relation dans laquelle le sujet a la certitude d’avoir de la valeur. Pour cela, même lorsqu’il agit dans une relation en décalage avec les attentes de l’autre, il est nécessaire que le sujet prenne conscience que l’autre perçoit ses intentions d’enrichir la relation. C’est sa prise d’initiative qui, ainsi accueillie, enrichit la puissance de vie de l’autre. En retour, le sujet fait l’expérience d’avoir de la valeur au sein d’une relation qu’il découvre maintenant comme un espace sécu- re, dans lequel il peut déployer sa créativité.
Alors cette liberté enrichit la vie des deux membres de cette relation, chacun se sentant valorisé par l’autre. Ainsi, même si l’action de l’un n’est pas adaptée, l’autre est en capacité d’en percevoir l’intention relationnelle. Par exemple, pour faire plaisir à un ami friand de chocolat, vous décidez de lui préparer un gâteau au chocolat. Certes vos talents culinaires sont importants, mais ce n’est pas là l’essentiel, il s’agit plutôt de montrer que votre intention, en réalisant ce plat, est d’honorer votre relation d’amitié. Et c’est à cette condition que le plaisir est partagé et enrichit la relation. Et même si le gâteau n’est pas parfait selon vous, c’est cette intention de partage, reconnue par l’autre, qui vous permet d’accueillir vos ressentis sensoriels en lien avec cette petite déception. Dans le cas contraire, lorsque l’intention relationnelle n’est pas accueillie par l’autre, vous tombez momentanément dans le vide, et ce qui n’était qu’une petite déception devient un abîme dans lequel votre valeur s’évapore.
Si l’effet principal du monde traumatique est la perte de la confiance en la relation humaine, la dissolution de la vie intentionnelle et la perte du sens des valeurs, la thérapie des traumas complexes consiste d’abord à retrouver et à partager cette perception intentionnelle pour reprendre confiance en la relation humaine.
HISTOIRE DE MADAME T.
Madame T., âgée de 49 ans, présentant de nombreux antécédents traumatiques, consulte pour une dépression chronique, avec anxiété et dévalorisation. Elle décrit sa vie comme un amoncellement d’échecs affectifs et professionnels. Elle a créé une entreprise qui a fait faillite. Après un divorce, elle a réussi à reconstruire une relation aujourd’hui fortement en crise. Son conjoint actuel fait chambre à part et lui a indiqué son intention de la quitter si elle ne changeait pas. Son histoire est dominée par un sentiment d’échec personnel : quoi qu’elle fasse, « rien ne va, les autres ne me comprennent pas et me rejettent », comme son premier compagnon et son fils qui ne veut plus la voir. Sa souffrance est perceptible lorsqu’elle évoque son incapacité à construire des relations de confiance.
Après plusieurs « lignes éditoriales », où le « je » de l’énonciation de cette souffrance a pu être entendu (« j’avais confiance en lui »), une conversation s’est initiée sur le rôle de la confiance dans la construction d’une relation humaine. Elle a pu retrouver des histoires de confiance dans sa vie et celle des autres, et réfléchir au lien entre la confiance et la possibilité de construction d’un projet commun.
Sous l’influence de la pensée par tas, caractéristique du monde traumatique et du vécu abandonnique, elle décrit l’expérience de la confiance et celle de la construction comme deux entités apposées l’une à côté de l’autre, sans lien. La présence de l’accordage donne l’opportunité au thérapeute d’amener Mme T. à tisser un lien entre la confiance et la construction : ainsi peut s’initier, grâce à la collaboration avec le thérapeute, un mode de « pensée par complexe » dans lequel la signification des mots, intégrant les différences de contexte, peut être partagée socialement. Cette nouvelle dynamique cognitive qui porte une composante relationnelle va l’autoriser à parler de la souffrance ressentie depuis la perte de contact avec son fils. Il est très important de réaliser que cette mère peut parler de sa douleur, justement parce qu’elle se sent en confiance avec le thérapeute. Si celui-ci n’accueille pas suffisamment le sens de cette souffrance en posant trop rapidement des questions à Mme T. sur les moments où son fils lui a fait confiance, ce questionnement risque de provoquer un sentiment de culpabilité lié à l’obligation de construire des relations de confiance. Cette obligation implicite dans laquelle Mme T. n’a pas de choix risque de réactiver l’influence du trauma et de réduire son vécu de confiance à un discours sur la confiance.
REDONNER DU SENS À L’INTENTIONNALITÉ
C’est parce qu’elle a senti que ses peurs concernant ses relations ont été accueillies durant l’entretien, qu’elle a pu spontanément évoquer l’anecdote suivante : « Mon conjoint ne dort plus avec moi, il me dit que si ça continue il va divorcer, qu’il l’a déjà fait une fois et qu’il n’a pas peur de recommencer. Il dit qu’il est un homme libre et que je vis dans la peur et la dépendance. » Ce récit lié à la peur l’amène à conclure : « Je suis une merde. » L’important à ce moment-là pour le thérapeute est de ne pas se faire recruter par cette histoire traumatique, et pour cela l’aider à percevoir la perte de confiance comme un effet secondaire de la peur et donc du trauma. Cette lecture est facilitée par l’emploi d’un questionnement externalisant qui fait ressortir le rôle du contexte de peur dans la perte de confiance. A partir de là, le « même pas peur » du mari pourra être interprété différemment. Ce n’est plus le message « je n’ai même pas peur de te quitter car moi, je suis autonome », mais le retour d’une signification intentionnelle où le « même pas peur (…) qui nous permet de construire un avenir commun) » est partageable. Si jusque-là MmeT. trouvait qu’avec le « même pas peur » son mari jouait les gros bras (mais au fond avait peur de partir puisqu’il continuait à habiter avec elle), elle comprend maintenant que si elle a perçu de la peur chez lui, ce n’est pas celle de partir, mais la peur qu’elle n’entende pas son intention de construire avec elle un projet où existent des relations de confiance. Cette prise de conscience de l’intentionnalité relationnelle du mari la touche affectivement, elle prend tout à coup conscience qu’elle a de la valeur pour lui et s’éloigne donc de l’image d’« être une merde » produite par le trauma.
CONVERSATION DE RE-MEMBERING
Ce changement de regard de Mme T. sur sa relation conjugale, en favorisant une nouvelle perception d’elle-même comme une femme ayant de la valeur, amène une modification émotionnelle, visible physiquement par le thérapeute, lui-même touché par cette évo- lution. C’est le moment où il va pouvoir poser des questions pour enrichir le lien de Mme T. avec d’autres histoires de confiance, avant d’introduire un questionnement spécifique sur l’intentionnalité et sur son lien avec l’humanité :
- Thérapeute : « Si je comprends bien, pour qu’une relation soit vraiment humaine, pour vous comme pour les autres, la confiance doit être présente ?
Devant sa réponse affirmative, d’autres questions sont posées afin de rentrer dans une conversation renforçant sa perception d’être une personne qui a de la valeur.
- Th. : Qui ne serait pas surpris que, pour vous, pour qu’une relation soit une relation humaine, la confiance doit être présente ?
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Dr Julien BETBÈZE Rédacteur en chef de la revue « Hypnose & Thérapies brèves ». Pédopsychiatre et psychiatre adultes, chef de service de l’Accueil familial thérapeutique de Loire-Atlantique de 1998 à 2018.
Chargé de cours à la Faculté de médecine de Nantes (DU Addictions, DU Hypnose, DU Douleur) et au sein des Instituts de la CFHTB. Responsable pédagogique et formateur en hypnose, thérapies stratégiques, solutionnistes et narratives à l’Arepta- IMHENA (Institut Milton H. Erickson Nantes).
N°73 : Mai / Juin / Juillet 2024
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°73 :
''En thérapie brève, comme en hypnose formelle, le thérapeute doit posséder de solides connaissances cliniques et la capacité à rentrer dans une transe partagée avec le sujet qu’il accompagne. A partir de cette expérience relationnelle, le thérapeute va poser des questions pour permettre au sujet de se décaler de l’histoire pathologique dans laquelle il est enfermé.''
Jérémie Roos nous montre comment l’utilisation du questionnement externalisant va permettre chez une jeune femme de 20 ans, prise dans une histoire de conflit de loyauté, de TOC et de surpoids, d’ouvrir un espace de liberté où elle pourra assumer ses prises de décision et trouver la force de renégocier sa place dans les relations. Je vous propose ensuite un texte où je développe un certain nombre de chemins pour « reprendre confiance dans le lien humain », quand celui-ci a été détruit par des vécus traumatiques. Il n’y a qu’à partir d’une expérience de sécurité, en lien avec une confiance retrouvée, que le sujet est en capacité de faire face aux effets du trauma.
Bernard Mayer souligne l’importance du travail avec le corps dans la désensibilisation des traumas. A travers le cas d’Eglantine, il nous fait percevoir l’importance du travail avec le Système nerveux autonome pour remettre en mouvement les processus de réassociation.
Dans l’« Espace Douleur Douceur », Gérard Ostermann nous présente le travail de trois praticiens : - Dans le cas d’une douleur d’épaule, Michel Dumas nous indique comment l’hypnose favorise la réconciliation avec cette partie du corps isolée par la douleur.
- Christophe Hardy nous ouvre à l’utilisation hypnotique du « swiss ball » pour redonner du mouvement à un dos enfermé dans la lombalgie.
- Laurence Dalem nous rappelle l’importance des soins palliatifs et combien la relation n’appartient jamais à une personne, mais est toujours partagée.
Dans le dossier thématique ''Interroger nos pratiques'', Guillaume Delannoy et Nathalie Koralnik nous font comprendre qu’aucun thérapeute n’est à l’abri de faire une « mauvaise séance » et ils développent ainsi un mode d’emploi en 20 points pour s’empêcher de réussir !
Vous pouvez en profiter pour lire le « Quiproquo » de Stefano Colombo sur l’échec, illustré avec humour par Muhuc, afin de comprendre pourquoi l’hypnose, on ne peut pas la réussir, avec un grand avantage : pas de réussite, pas d’échec !
J’ai eu le grand plaisir d’interviewer Dominique Megglé à la suite de la publication de son livre ''Les chaussettes trouées'', synthèse des points importants émergeant de sa longue expérience de clinicien. Il évoque l’importance de penser la psychopathologie à partir de l’hypnopathologie. Voilà une position novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives pour nous interroger sur la pertinence de nos pratiques.
Stéphane Radoykov questionne également sa pratique, tout en acceptant ses limites, il recherche des améliorations en sortant par exemple du piège des automatismes. Il fait référence aux questionnaires de Scott D. Miller, essentiels pour se situer dans une dimension de co-construction pour ouvrir des possibles.
Adrian Chaboche nous rappelle la phrase d’Erickson pour nous inciter à être créatifs : « N’imitez pas. Soyez naturellement vous-même. J’ai passé du temps à essayer d’imiter d’autres, ce fut un désastre ! »
Sophie Cohen utilise « l’arbre de vie » pour aider Hélène à se libérer des relations dysfonctionnelles transgénérationnelles et s’autoriser à construire sa propre histoire en lien avec ses valeurs préférées.
Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris
Technique or not technique? Dans le cortège des souffrances aux urgences.
Dr Virginie Lagrée pour la revue hypnose et thérapies brèves, hors-série sur le psychotraumatisme. Médecin aux urgences du CHU de Nantes, l’auteure voit défiler toutes sortes de patients et de situations à haute intensité traumatique. De son récit, il ressort beaucoup d’angoisse et de détresse, et peu de certitudes, des gestes professionnels souvent, de l’engagement et des paroles de soutien, un fort sentiment d’humilité enfin.
« Hello Virginie ! Peux-tu m’aider en écrivant un article sur le psychotraumatisme aux urgences médico-psychologiques pour le “Hors-Série” de la revue “Hypnose & Thérapies brèves”. J’userai de toutes les stratégies en cas de refus (menace, scarifications, roulage par terre au sol...) car j’ai vraiment besoin d’aide ! Ci-joint les consignes. » C’est le mail que je découvre en ouvrant ma boîte. Je me prends à sourire en imaginant Emmanuel mon collègue psychiatre se rouler par terre et je ne peux pas lui refuser... C’est à ce moment-là que Claire, infirmière nouvellement arrivée dans le service, revient de l’accueil avec un dossier :
- Claire : « Je ne me sens pas à l’aise du tout avec ce genre de situation, je ne suis pas formée, ça m’angoisse.
- Collègue infirmier : C’est quoi ? s’enquiert un autre infirmier.
- Claire :Monsieur Pierre, 55 ans, chauffeur poids lourd depuis trente ans. Il vient de voir s’encastrer une voiture sous ses roues, sans rien pouvoir faire, un virage, glissant... Il est super mal... Ce sont les pompiers qui l’ont emmené.
- Collègue infirmier : C’est un débrief. Je n’aime pas trop non plus ces entretiens. Moi, je me suis formé sur le tas, à force d’en voir. » J’écoute d’une oreille en refermant ma boîte mail. Formée, je le suis. Et pourtant... Je fais rapidement le tour de ma boîte à outils, HTSMA (Hypnose Thérapies stratégiques et Mouvements alternatifs), Thérapies narratives, TRE (Trauma Releasing Exercises), débriefing et jeux de rôles lorsque je faisais partie de la CUMP (Cellule d’urgence médico-psycho - logique), entendu parler aussi du Brainspotting, lu le livre de David Grand. Pas une expérience sur laquelle m’appuyer ne me revient... Je suis de garde une nuit et j’étais en formation HTSMA la semaine précédente. Je reçois une jeune femme, Agnès, victime d’un accident de la voie publique. L’accident vient d’arriver, elle est en larmes, très angoissée, sa réaction reste adaptée mais elle est très envahie, elle revit en boucle l’accident. Elle répète : « J’aurais dû freiner, j’aurais dû freiner... »
Scène insoutenable qu’elle me raconte avec moult détails, je me disais que cela aurait pu être moi, c’est cela aussi les consultations de psychotraumatisme, c’est cette identification permanente, « on y laisse des plumes », comme le disait mon infirmier à Claire. Je me souviens d’un soir où tous mes col - lègues des urgences et moi-même avions scellé notre télévision le soir même après avoir reçu un père qui venait de perdre sa fille de 2 ans écrasée sous le poste. C’est l’effet « osmotique » du trauma, comme une imprégnation. Mais cela n’est-il pas surtout un signe d’engagement de la part des soignants, un accordage affectif lors de l’entretien ?
A propos de l’impact sur les soignants, je me rappelle avoir croisé mes collègues du Samu revenant d’une intervention dans un parc d’attractions pour enfants. Le wagon d’un manège mal fixé est passé sur le corps d’un animateur, décédé. Ils s’arrêtent dans le couloir, hilares, ils me montrent les photos : « Mate la scène, une boucherie, c’était le festival du gore ! » Ils sont manifestement très dissociés. Je les invite à venir prendre un café au secteur psychiatrique, avec l’idée d’un débriefing informel. On a parlé un peu, bu du café beaucoup, le temps que tout le monde se rassemble, se réassocie.
Aucune technique, juste un retour dans l’ici et maintenant. Quand mon fils m’a demandé d’organiser son anniversaire dans ce même parc, j’ai refusé. L’impact est à libération prolongée, semble-t-il. Je ne sais plus ce que j’ai fait ou dit à Agnès, rien de mirobolant sûrement, mais encore moi-même un peu sidérée j’ai eu besoin d’en parler à mon maître, le Docteur Martineau.
- « Tu as fait de l’EMDR ? me demande-t-il.
- Comme ça, là, en aigu ?!
- Ben oui !
- J’y ai pensé oui, mais je n’ai pas osé.
- Alors tu préfères laisser des gens souffrir plutôt que de tenter ce que tu as appris par peur de te planter ? »
Cette réplique m’est restée coincée dans la gorge et le coeur... Evidemment qu’il aurait fallu tout tenter, peu importe d’être ridicule. Je décide d’emmener Claire avec moi voir Monsieur Pierre. Il entend les bruits de freinage, les pneus qui crissent, il revoit les yeux de la conductrice, un regard tout aussi démuni que le sien.
- M. Pierre : « C’est comme si elle était résignée à mourir, dit-il.
- Thérapeute : Je pense à ses enfants, son mari, quel âge peut-elle avoir ? Pas plus de trente ans je pense... Il me demande des nouvelles de la victime, si elle est arrivée aux urgences, comment elle va.
- M. Pierre : Je voudrais au moins savoir si elle est vivante ou morte.
- Th. : Je vais me renseigner. Je sens le regard étonné et éloquent de Claire se poser sur moi.
- Claire : Quand je pense au nombre de fois où tu nous rappelles de faire attention au secret professionnel ! » C’est sorti tout seul, Claire, je n’ai pas réfléchi, c’est cela qui lui semblerait le plus utile, là, tout de suite, à ce patient, alors sans rentrer dans les détails médicaux je vais lui donner des nouvelles à Monsieur Pierre. Je me suis retrouvée à lui annoncer qu’elle était malheureusement décédée. Je me souviens de recevoir Patricia, jeune fille, qui me raconte avoir été violée quinze jours auparavant. Elle est dévastée par l’angoisse, entend les paroles de son violeur en boucle, revoit les images de la scène en flashs intempestifs, vit dans un état d’hypervigilance anxieux permanent, évite le trajet habituel de retour chez elle, sursaute quand son grille-pain éjecte ses tartines le matin. Après moult hésitations, je me lance, me souvenant de la réflexion de mon maître. A quoi sert de se former sinon ? Je me rappelle que lors d’agressions physiques il vaut mieux éviter de toucher, ou alors demander l’autorisation, alors je lui demande de suivre mon doigt, et c’est parti pour une série de mouvements alternatifs.
- Th. : « C’est comment en vous là, maintenant ?
- Patricia : Ça va nettement mieux ! Mouvements alternatifs encore. - Patricia : Ah oui, vraiment, c’est bien là...
- Th. : Restez avec cela... Mouvements alternatifs de nouveau. - Patricia : Je vous assure ça va très bien », insiste-t-elle, s’agaçant presque. Je me suis doutée que cette patiente fort gentille essayait juste de me faire plaisir et de me rassurer, ou bien que cela était tellement insupportable pour elle de reparler du traumatisme qu’elle a préféré en finir vite, éviter de s’y confronter. Probablement, je n’ai pas réussi à obtenir une alliance suffisamment solide pour l’autoriser à lâcher prise et se sentir en sécurité. J’aurais dû prendre le temps d’installer une place sûre, et pourquoi pas utiliser une échelle afin de vérifier son niveau de sécurité. Autre souvenir, autre expérience : Chantal, la meilleure amie d’une jeune fille disparue, retrouvée violée dans un fossé, arrive aux urgences dans un état de dissociation majeure, pouvant la mettre en danger. Une instabilité psychomotrice incontrôlable, des pleurs, des cris, des attitudes désadaptées, elle se tape la tête contre les murs. Il a fallu « l’anxiolyser » et la garder aux urgences au moins une nuit afin de revoir les choses après un temps d’apaisement provoqué par les médicaments. Il y a encore quelques années je ne me posais pas la question, je donnais du Xanax ou du Valium avec un résultat qui ne m’aurait pas fait changer d’avis. « Les benzodiazépines sont contre-indiquées dans les PTSD », m’ont appris mes internes ensuite. Sont recommandés : antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et bétabloquants. Nous n’avons ni l’un ni l’autre aux urgences psychiatriques car il s’agit de traitements essentiellement prescrits lors d’un suivi, ce que nous n’assurons pas. Il nous faut donc essayer de trouver une consultation post-urgence rapidement.
C’est ce qu’il se passe avec cette patiente, chauffeuse de taxi, prise lors d’une de ses courses dans un règlement de comptes entre narcotrafiquants et qui a vu deux hommes cagoulés tirer sur son véhicule à la kalachnikov. Je parviens à lui trouver un rendez-vous en libéral dans la semaine qui suit. J’ai appris qu’elle s’y était rendue une fois puis n’avait pas honoré le second rendez-vous. Alors comment accrocher les patients quand on doit les ré-adresser alors que l’on sait que l’on est la « première figure d’attachement » après un choc ? Comme Julie, victime d’une agression sexuelle alors qu’elle rentrait d’un dîner entre amis et allait reprendre sa voiture. Julie est déjà venue dans le service après l’examen gynécologique initial, il y a quatre jours. Dissociée, elle avait refusé de rester, disant qu’elle allait retourner travailler à la crèche dans laquelle elle est employée depuis un mois et que tout irait bien, qu’elle était entourée de ses amis, elle ne voulait pas parler à ses parents de l’agression. Je n’avais pas d’argument pour la garder de force à l’hôpital et le service débordait de patients plus ou moins instables et agités qui l’inquiétaient encore davantage. Là encore, je lui ai fait promettre de revenir si elle en avait besoin. Elle revient ce jour. Elle a besoin d’un justificatif pour son employeur car elle n’a pas réussi à retourner travailler. Elle se sent trop honteuse et sale. Elle répète : « Je n’aurais pas dû mettre de jupe ce soir-là... » Elle est en demande de réassurance sur le fait que « ça va revenir, ça va aller ». « Je suis quelqu’un de joyeux d’habitude... »
J’ai pu grâce à ce patient avoir un regard sur l’étendue des remaniements psychiques que peut impliquer un traumatisme...
Pour lire la suite de cet article de la revue...
Dr Virginie LAGRÉE Praticien hospitalier aux urgences du CHU de Nantes. Formée à l’hypnose à l’ARePTA à Nantes ainsi qu’aux thérapies stratégiques, à l’HTSMA et aux thérapies narratives.
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NDLR L'HTSMA fait suite à l'EMDR et précède la TLMR Thérapie du Lien et des Mondes Relationnels.
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Formations sur 3 jours pour les praticiens déjà formés en hypnose et thérapie brève centrée solution.
FORMATEURS et SUPERVISEURS CERTIFIES EMDR IMO. - Laurence ADJADJ: Psychologue, Psychothérapeute, Présidente de France EMDR IMO ® et de l'Institut HYPNOTIM.
- Laurent GROSS: Psychothérapeute Certifié par ARS en 2013, Kinésithérapeute, Vice-Président de France EMDR IMO ®, Président du CHTIP Collège d’Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris et de l'Institut IN-DOLORE
- Dr Pascal VESPROUMIS: Médecin Addictologue, Président de l'ACCH. Anime les supervisions.
- Dr Roxane COLETTE: Médecin Psychiatre, auteur du livre: Petits maux, grands traumas: de l’EMDR à l’IMO, une nouvelle voie de guérison.
- Sophie TOURNOUËR: Psychologue, Psychothérapeute, Thérapeute Familiale et de Couple. Anime les supervisions.
- Claire DAHAN: Psychologue, Psychothérapeute. Conférencière internationale.
- Claire : « Je ne me sens pas à l’aise du tout avec ce genre de situation, je ne suis pas formée, ça m’angoisse.
- Collègue infirmier : C’est quoi ? s’enquiert un autre infirmier.
- Claire :Monsieur Pierre, 55 ans, chauffeur poids lourd depuis trente ans. Il vient de voir s’encastrer une voiture sous ses roues, sans rien pouvoir faire, un virage, glissant... Il est super mal... Ce sont les pompiers qui l’ont emmené.
- Collègue infirmier : C’est un débrief. Je n’aime pas trop non plus ces entretiens. Moi, je me suis formé sur le tas, à force d’en voir. » J’écoute d’une oreille en refermant ma boîte mail. Formée, je le suis. Et pourtant... Je fais rapidement le tour de ma boîte à outils, HTSMA (Hypnose Thérapies stratégiques et Mouvements alternatifs), Thérapies narratives, TRE (Trauma Releasing Exercises), débriefing et jeux de rôles lorsque je faisais partie de la CUMP (Cellule d’urgence médico-psycho - logique), entendu parler aussi du Brainspotting, lu le livre de David Grand. Pas une expérience sur laquelle m’appuyer ne me revient... Je suis de garde une nuit et j’étais en formation HTSMA la semaine précédente. Je reçois une jeune femme, Agnès, victime d’un accident de la voie publique. L’accident vient d’arriver, elle est en larmes, très angoissée, sa réaction reste adaptée mais elle est très envahie, elle revit en boucle l’accident. Elle répète : « J’aurais dû freiner, j’aurais dû freiner... »
Scène insoutenable qu’elle me raconte avec moult détails, je me disais que cela aurait pu être moi, c’est cela aussi les consultations de psychotraumatisme, c’est cette identification permanente, « on y laisse des plumes », comme le disait mon infirmier à Claire. Je me souviens d’un soir où tous mes col - lègues des urgences et moi-même avions scellé notre télévision le soir même après avoir reçu un père qui venait de perdre sa fille de 2 ans écrasée sous le poste. C’est l’effet « osmotique » du trauma, comme une imprégnation. Mais cela n’est-il pas surtout un signe d’engagement de la part des soignants, un accordage affectif lors de l’entretien ?
A propos de l’impact sur les soignants, je me rappelle avoir croisé mes collègues du Samu revenant d’une intervention dans un parc d’attractions pour enfants. Le wagon d’un manège mal fixé est passé sur le corps d’un animateur, décédé. Ils s’arrêtent dans le couloir, hilares, ils me montrent les photos : « Mate la scène, une boucherie, c’était le festival du gore ! » Ils sont manifestement très dissociés. Je les invite à venir prendre un café au secteur psychiatrique, avec l’idée d’un débriefing informel. On a parlé un peu, bu du café beaucoup, le temps que tout le monde se rassemble, se réassocie.
Aucune technique, juste un retour dans l’ici et maintenant. Quand mon fils m’a demandé d’organiser son anniversaire dans ce même parc, j’ai refusé. L’impact est à libération prolongée, semble-t-il. Je ne sais plus ce que j’ai fait ou dit à Agnès, rien de mirobolant sûrement, mais encore moi-même un peu sidérée j’ai eu besoin d’en parler à mon maître, le Docteur Martineau.
- « Tu as fait de l’EMDR ? me demande-t-il.
- Comme ça, là, en aigu ?!
- Ben oui !
- J’y ai pensé oui, mais je n’ai pas osé.
- Alors tu préfères laisser des gens souffrir plutôt que de tenter ce que tu as appris par peur de te planter ? »
Cette réplique m’est restée coincée dans la gorge et le coeur... Evidemment qu’il aurait fallu tout tenter, peu importe d’être ridicule. Je décide d’emmener Claire avec moi voir Monsieur Pierre. Il entend les bruits de freinage, les pneus qui crissent, il revoit les yeux de la conductrice, un regard tout aussi démuni que le sien.
- M. Pierre : « C’est comme si elle était résignée à mourir, dit-il.
- Thérapeute : Je pense à ses enfants, son mari, quel âge peut-elle avoir ? Pas plus de trente ans je pense... Il me demande des nouvelles de la victime, si elle est arrivée aux urgences, comment elle va.
- M. Pierre : Je voudrais au moins savoir si elle est vivante ou morte.
- Th. : Je vais me renseigner. Je sens le regard étonné et éloquent de Claire se poser sur moi.
- Claire : Quand je pense au nombre de fois où tu nous rappelles de faire attention au secret professionnel ! » C’est sorti tout seul, Claire, je n’ai pas réfléchi, c’est cela qui lui semblerait le plus utile, là, tout de suite, à ce patient, alors sans rentrer dans les détails médicaux je vais lui donner des nouvelles à Monsieur Pierre. Je me suis retrouvée à lui annoncer qu’elle était malheureusement décédée. Je me souviens de recevoir Patricia, jeune fille, qui me raconte avoir été violée quinze jours auparavant. Elle est dévastée par l’angoisse, entend les paroles de son violeur en boucle, revoit les images de la scène en flashs intempestifs, vit dans un état d’hypervigilance anxieux permanent, évite le trajet habituel de retour chez elle, sursaute quand son grille-pain éjecte ses tartines le matin. Après moult hésitations, je me lance, me souvenant de la réflexion de mon maître. A quoi sert de se former sinon ? Je me rappelle que lors d’agressions physiques il vaut mieux éviter de toucher, ou alors demander l’autorisation, alors je lui demande de suivre mon doigt, et c’est parti pour une série de mouvements alternatifs.
- Th. : « C’est comment en vous là, maintenant ?
- Patricia : Ça va nettement mieux ! Mouvements alternatifs encore. - Patricia : Ah oui, vraiment, c’est bien là...
- Th. : Restez avec cela... Mouvements alternatifs de nouveau. - Patricia : Je vous assure ça va très bien », insiste-t-elle, s’agaçant presque. Je me suis doutée que cette patiente fort gentille essayait juste de me faire plaisir et de me rassurer, ou bien que cela était tellement insupportable pour elle de reparler du traumatisme qu’elle a préféré en finir vite, éviter de s’y confronter. Probablement, je n’ai pas réussi à obtenir une alliance suffisamment solide pour l’autoriser à lâcher prise et se sentir en sécurité. J’aurais dû prendre le temps d’installer une place sûre, et pourquoi pas utiliser une échelle afin de vérifier son niveau de sécurité. Autre souvenir, autre expérience : Chantal, la meilleure amie d’une jeune fille disparue, retrouvée violée dans un fossé, arrive aux urgences dans un état de dissociation majeure, pouvant la mettre en danger. Une instabilité psychomotrice incontrôlable, des pleurs, des cris, des attitudes désadaptées, elle se tape la tête contre les murs. Il a fallu « l’anxiolyser » et la garder aux urgences au moins une nuit afin de revoir les choses après un temps d’apaisement provoqué par les médicaments. Il y a encore quelques années je ne me posais pas la question, je donnais du Xanax ou du Valium avec un résultat qui ne m’aurait pas fait changer d’avis. « Les benzodiazépines sont contre-indiquées dans les PTSD », m’ont appris mes internes ensuite. Sont recommandés : antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et bétabloquants. Nous n’avons ni l’un ni l’autre aux urgences psychiatriques car il s’agit de traitements essentiellement prescrits lors d’un suivi, ce que nous n’assurons pas. Il nous faut donc essayer de trouver une consultation post-urgence rapidement.
C’est ce qu’il se passe avec cette patiente, chauffeuse de taxi, prise lors d’une de ses courses dans un règlement de comptes entre narcotrafiquants et qui a vu deux hommes cagoulés tirer sur son véhicule à la kalachnikov. Je parviens à lui trouver un rendez-vous en libéral dans la semaine qui suit. J’ai appris qu’elle s’y était rendue une fois puis n’avait pas honoré le second rendez-vous. Alors comment accrocher les patients quand on doit les ré-adresser alors que l’on sait que l’on est la « première figure d’attachement » après un choc ? Comme Julie, victime d’une agression sexuelle alors qu’elle rentrait d’un dîner entre amis et allait reprendre sa voiture. Julie est déjà venue dans le service après l’examen gynécologique initial, il y a quatre jours. Dissociée, elle avait refusé de rester, disant qu’elle allait retourner travailler à la crèche dans laquelle elle est employée depuis un mois et que tout irait bien, qu’elle était entourée de ses amis, elle ne voulait pas parler à ses parents de l’agression. Je n’avais pas d’argument pour la garder de force à l’hôpital et le service débordait de patients plus ou moins instables et agités qui l’inquiétaient encore davantage. Là encore, je lui ai fait promettre de revenir si elle en avait besoin. Elle revient ce jour. Elle a besoin d’un justificatif pour son employeur car elle n’a pas réussi à retourner travailler. Elle se sent trop honteuse et sale. Elle répète : « Je n’aurais pas dû mettre de jupe ce soir-là... » Elle est en demande de réassurance sur le fait que « ça va revenir, ça va aller ». « Je suis quelqu’un de joyeux d’habitude... »
J’ai pu grâce à ce patient avoir un regard sur l’étendue des remaniements psychiques que peut impliquer un traumatisme...
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Dr Virginie LAGRÉE Praticien hospitalier aux urgences du CHU de Nantes. Formée à l’hypnose à l’ARePTA à Nantes ainsi qu’aux thérapies stratégiques, à l’HTSMA et aux thérapies narratives.
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FORMATEURS et SUPERVISEURS CERTIFIES EMDR IMO. - Laurence ADJADJ: Psychologue, Psychothérapeute, Présidente de France EMDR IMO ® et de l'Institut HYPNOTIM.
- Laurent GROSS: Psychothérapeute Certifié par ARS en 2013, Kinésithérapeute, Vice-Président de France EMDR IMO ®, Président du CHTIP Collège d’Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris et de l'Institut IN-DOLORE
- Dr Pascal VESPROUMIS: Médecin Addictologue, Président de l'ACCH. Anime les supervisions.
- Dr Roxane COLETTE: Médecin Psychiatre, auteur du livre: Petits maux, grands traumas: de l’EMDR à l’IMO, une nouvelle voie de guérison.
- Sophie TOURNOUËR: Psychologue, Psychothérapeute, Thérapeute Familiale et de Couple. Anime les supervisions.
- Claire DAHAN: Psychologue, Psychothérapeute. Conférencière internationale.
Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris
Livres du mois. Revue hypnose et thérapies brèves 72.
Comptes rendus par Julien BETBÈZE
Dans le fauteuil de l’hypnose, Marc Galy, Erès. Dans la préface de cet ouvrage, Philippe Delerm écrit : « Ressentir et rien d’autre. Ne pas juger. Mais être là, profondément, dans un ailleurs qui devient ici... » Marc Galy, médecin anesthésiste, responsable de la consultation d’hypnose médicale à l’hôpital Saint-Louis à Paris, enseignant au DU de la Pitié-Salpêtrière, nous décrit l’importance de l’installation du corps dans le fauteuil pour développer un espace de liberté ouvrant un autre chemin. Un livre dans lequel on retrouve la finesse des analyses de son auteur.
Marc Galy anime une Masterclass sur François Roustang, “la feuille blanche”, la Présence, l’Attente et le Silence.
René Girard. Biographie, Benoît Chantre, Grasset Enfin une biographie complète sur la pensée d’un des plus grands penseurs français du XXe siècle, créateur de la théorie mimétique. René Girard, auteur de livres majeur s (Mensonge romant ique et vér i té romanesque, La violence et le sacré...) a été le co-organisateur du célèbre colloque de Baltimore en 1966 qui a fait connaître les penseurs français (Derrida, Lacan, etc.) aux USA. Cette biographie intellectuelle se lit comme le roman d’un siècle de bruit et de fureur.
Comptes rendus par Sophie COHEN
La communication, ça soigne et ça se soigne, Laure Watelet, Pauline Antoine, Satas C’est une bande dessinée. La première sur cette thématique tellement répandue et importante : la communication thérapeutique. Les dessins sont très plaisants, Pauline Antoine a exercé son art, elle a su saisir et mettre en scène les situations les plus courantes rencontrées sur le terrain de l’hôpital. Le contenu est présenté avec humour. Trouver résumés ainsi les concepts essentiels sous forme de mise en situation est intéressant pour tous ceux qui découvrent et s’attachent à progresser dans nos relations. Je ne peux que vous recommander de lire cette BD unique en son genre.
Accompagner la mort et le deuil : une approche pratique pour le milieu hospitalier, Christiane Steffens-Dhaussy, Satas Nous sommes tous confrontés à un moment ou à un autre à la mort. Que ce soit dans l’accompagnement de nos patients en activité libérale ou en activité hospitalière. La fin de la vie pose toujours de nombreuses questions aux soignants et à l’entourage familial ou professionnel de la personne concernée. Dans cet ouvrage, beaucoup de situations cliniques sont exposées. L’auteure nous livre son expérience et nous en fait profiter au travers de ses écrits. La lecture terminée, vous vous sentirez certainement confortés dans certaines de vos pratiques ou questionnés par rapport à celles-ci. La culture et les pratiques autour du deuil sont abordées. Le burnout également. Des pratiques hypnotiques sont proposées. On se laisse facilement accompagner par ce livre.
Silhouette mon amie, mon ennemie. Comprendre et aimer son corps à l’heure des réseaux sociaux, Dr Dominique-Adèle Cassuto, dessinatrice Titeepex, Editions de La Martinière Jeunesse. Un livre qui s’adresse aux adolescents, c’est plutôt rare. On le constate souvent, les adolescents sont sensibles à leur imag e . Cette période fragile de la vie valait bien un livre con sacré à la question de la maigreur ou du surpoids. Illustré, l’ouvrage se lit facilement, il comporte des tas de petits témoignages qui le rendent vivant. Il comprend également des tests et des conseils. Il n’empêche que le fond est solide, documenté. Enfin un livre qui parle des réseaux sociaux, et en particulier comment s’en protéger. Le sujet des influenceurs est abordé. Des numéros d’appel, des sites d’informations utiles et des vidéos du Dr Cassuto sont accessibles en flashant un QR code. A mettre entre les mains de tous les ados qui se posent des questions sur leur silhouette et qui souffrent de la comparaison de leur corps réel par rapport au virtuel.
Dans le fauteuil de l’hypnose, Marc Galy, Erès. Dans la préface de cet ouvrage, Philippe Delerm écrit : « Ressentir et rien d’autre. Ne pas juger. Mais être là, profondément, dans un ailleurs qui devient ici... » Marc Galy, médecin anesthésiste, responsable de la consultation d’hypnose médicale à l’hôpital Saint-Louis à Paris, enseignant au DU de la Pitié-Salpêtrière, nous décrit l’importance de l’installation du corps dans le fauteuil pour développer un espace de liberté ouvrant un autre chemin. Un livre dans lequel on retrouve la finesse des analyses de son auteur.
Marc Galy anime une Masterclass sur François Roustang, “la feuille blanche”, la Présence, l’Attente et le Silence.
René Girard. Biographie, Benoît Chantre, Grasset Enfin une biographie complète sur la pensée d’un des plus grands penseurs français du XXe siècle, créateur de la théorie mimétique. René Girard, auteur de livres majeur s (Mensonge romant ique et vér i té romanesque, La violence et le sacré...) a été le co-organisateur du célèbre colloque de Baltimore en 1966 qui a fait connaître les penseurs français (Derrida, Lacan, etc.) aux USA. Cette biographie intellectuelle se lit comme le roman d’un siècle de bruit et de fureur.
Comptes rendus par Sophie COHEN
La communication, ça soigne et ça se soigne, Laure Watelet, Pauline Antoine, Satas C’est une bande dessinée. La première sur cette thématique tellement répandue et importante : la communication thérapeutique. Les dessins sont très plaisants, Pauline Antoine a exercé son art, elle a su saisir et mettre en scène les situations les plus courantes rencontrées sur le terrain de l’hôpital. Le contenu est présenté avec humour. Trouver résumés ainsi les concepts essentiels sous forme de mise en situation est intéressant pour tous ceux qui découvrent et s’attachent à progresser dans nos relations. Je ne peux que vous recommander de lire cette BD unique en son genre.
Accompagner la mort et le deuil : une approche pratique pour le milieu hospitalier, Christiane Steffens-Dhaussy, Satas Nous sommes tous confrontés à un moment ou à un autre à la mort. Que ce soit dans l’accompagnement de nos patients en activité libérale ou en activité hospitalière. La fin de la vie pose toujours de nombreuses questions aux soignants et à l’entourage familial ou professionnel de la personne concernée. Dans cet ouvrage, beaucoup de situations cliniques sont exposées. L’auteure nous livre son expérience et nous en fait profiter au travers de ses écrits. La lecture terminée, vous vous sentirez certainement confortés dans certaines de vos pratiques ou questionnés par rapport à celles-ci. La culture et les pratiques autour du deuil sont abordées. Le burnout également. Des pratiques hypnotiques sont proposées. On se laisse facilement accompagner par ce livre.
Silhouette mon amie, mon ennemie. Comprendre et aimer son corps à l’heure des réseaux sociaux, Dr Dominique-Adèle Cassuto, dessinatrice Titeepex, Editions de La Martinière Jeunesse. Un livre qui s’adresse aux adolescents, c’est plutôt rare. On le constate souvent, les adolescents sont sensibles à leur imag e . Cette période fragile de la vie valait bien un livre con sacré à la question de la maigreur ou du surpoids. Illustré, l’ouvrage se lit facilement, il comporte des tas de petits témoignages qui le rendent vivant. Il comprend également des tests et des conseils. Il n’empêche que le fond est solide, documenté. Enfin un livre qui parle des réseaux sociaux, et en particulier comment s’en protéger. Le sujet des influenceurs est abordé. Des numéros d’appel, des sites d’informations utiles et des vidéos du Dr Cassuto sont accessibles en flashant un QR code. A mettre entre les mains de tous les ados qui se posent des questions sur leur silhouette et qui souffrent de la comparaison de leur corps réel par rapport au virtuel.
Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris
Il était une voie / voix. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 72.
Le pourquoi du comment ! Par Blandine ROSSI-BOUCHET. C’est en sa qualité d’hypnophoniste que l’auteure recueille la parole de femmes aux parcours de vies tortueuses. Confidences de vive-voix, à mi-voix, à voix basse. Des voix cassées, blessées, étouffées, éraillées, étranglées... voix éteintes aussi. Toutes ces blessures psychologiques qui déteignent sur la voix et dont il faut soigner les maux.
« Il était une fois, il y a bien longtemps, quand les cochons parlaient en vers et quand les poules avaient des dents, une très belle princesse aux cheveux d’ébène, au teint d’albâtre et aux yeux bleu azur. Son sourire était le plus éblouissant et sa voix la plus envoûtante de tout son royaume.
Pour ses vingt ans, la Princesse rêvait de devenir mannequin et de rencontrer le Prince Charmant sur son cheval blanc avec qui elle se marierait et aurait beaucoup d’enfants.
Pour ses trente ans, la Princesse devint la reine des podiums et autres défilés, la muse de créateurs célèbres et la déesse des nuits de la capitale de son royaume...
Pour ses quarante ans, elle enchaîna les amants, ne voyant toujours pas venir le moindre cheval blanc, vivant seule dans son palais d’argent et rêvant qu’un nouveau jour se lève... Son voeu fut enfin exaucé pour ses cinquante ans, sous les traits d’un prince trop jeune et trop charmant pour la Princesse remplie d’espoir qui, hélas, crut en cette dernière chance. Ils vécurent heureux dans son palais d’argent jusqu’au jour où la Sorcière AVC lança un puissant sortilège sur la Princesse, soudainement transformée en une pauvre Poupée de cire brisée et à moitié paralysée, aux cheveux grisonnants, au teint blafard et au sourire tordu. Par amour pour elle, le Prince conduisit promptement sa Poupée de cire à l’abri des regards peu amènes et des critiques mondaines dans un manoir de la forêt des Pins enchanteurs. Ils y vécurent cachés jusqu’à ce que la Poupée de cire perde le son, assurément victime de la terrifiante Aphonie, maléfique cousine de la Sorcière AVC...
« La Princesse, brisée par cette coupure de son, trouva la force d’aller pleurer son malheur auprès du Grand Magicien de la Forêt enchantée ; Merlin, dont les sortilèges étaient impuissants à délivrer la Princesse désenchantée de ce sort maléfique, lui recommanda de se rendre chez la Fée des Mots. La Princesse désespérée, emplie d’un espoir nouveau, se rendit ainsi semaine après semaine chez la Fée des Mots. Celle-ci déploya de nombreuses baguettes, usa de toutes les incantations ensorcelées et autres formules magiques ancestrales. En vain... la Poupée de cire restait tristement sans le son. En dernier ressort, la Fée des Mots alla quérir Morgane, la Puissante Ensorceleuse. Elle seule était capable de lever le sortilège maléfique, par le pouvoir psychanalytique de sa baguette taillée en bois freudien. Quelques mois plus tard, la Princesse revint chez la Fée des Mots pour lui conter la fin de l’histoire. Alors que Morgane recherchait toujours les ingrédients rares pour concocter la potion magique de délivrance vocale, la voix de la Princesse revint comme par magie en un jour sombre. Son cri fut si puissant qu’il s’entendit dans tout le royaume. Morgane, alertée, vola immédiatement à son secours. Elle arriva juste à temps pour empêcher le Prince plus si charmant, mais devenu très violent, d’étrangler sa Poupée de cire princière, lui qui l’avait, durant toutes ces années, maltraitée et trompée avec la jeune et jolie mais désargentée Cendrillon... tout en profitant très largement du palais d’argent et surtout de tout l’argent de l’infortunée Princesse. »
Ce conte pas du tout féerique est hélas inspiré d’une histoire vraie. Vingt-cinq ans de pratique clinique m’ont amenée à en entendre de nombreuses autres, en version originale ou sous-titrée, tandis que les formules orthophoniques orthodoxes étaient impuissantes à aider toutes ces voix qui me contaient leurs tristes sorts. Le monde est hélas plein de ces princesses mais surtout de ces pseudo-princes, chevaliers, laquais ou valets qui ne sont pas plus sages... et qui parfois se transforment non pas comme le Prince Charmant en inoffensive grenouille, mais en bourreau, boxeur, harceleur ou encore manipulateur, simplement par la puissance de leur propre pouvoir de malfaisance. « Résultat de l’alchimie entre le corps et la pensée, la voix est le reflet de la personnalité et de la vérité de chacun. Elle reflète nos états d’âme, les cicatrices de notre existence » (1).
Si la voix est en réalité bien plus qu’un banal instrument à vent et à cordes qui prend corps dans une caisse de résonance, mon rôle en tant qu’orthophoniste-luthier ne peut et ne doit pas se contenter d’intervenir sur cet instrument-voix désaccordé uniquement pour le réparer et le remettre, comme il se doit, dans le droit chemin...
La voix s’incarne littéralement dans notre corps, en tant qu’« instrument corporel qui fonctionne par un geste » (2) ; « tout le corps parle » (3). L’ensemble du corps permet en effet de dire, la voix est produite par un corps en mouvement ; elle est elle-même un mouvement, qui permet non seulement de dire, mais de se dire. Il est aisé de comprendre que la peur de se révéler, de se dévoiler ou d’exprimer ses émotions peut entraîner une restriction du mouvement et une limitation concomitante de la phonation. Et, si l’on considère que mouvement et vie sont intimement liés, alors il est possible d’envisager cette restriction comme un blocage du libre flux vital. C’est ainsi que j’accompagne sur le chemin de la liberté retrouvée de vraies princesses, emprisonnées dès leur naissance dans des corps de faux princes charmants, tout au long de la transe-formation d’une chenille poilue en un papillon majestueux, jusqu’à la naissance tant attendue de la voix délicate assortie à la robe de bal et aux pantoufles de vair...
Toutes ces voix cassées, brisées, spasmées, parfois muettes, faussées ou contrariées, ont toutes pour point commun de présenter des manifestations somatiques de blessures psychologiques. Et à propos de voix, celles de trois patientes résonnent singulièrement dans ma mémoire, comme une drôle de petite musique, porte-paroles des dysphonies dysfonctionnelles, ces pathologies dissonantes de la triade corps-voix-émotions. Christiane, Soisik et Céline étaient chacune atteinte de « sclérose en place »* vocale devenue vitale. Ces trois voix ont été prises au piège des tensions psychiques qui créent des tensions musculaires et malmènent la voix (4).
Cet engrenage néfaste a conduit au malmenage de l’instrument, mais également à sa dissonance : ces altérations vocales ont empiété sur la vie sociale de ces femmes, perturbé l’image d’elles-mêmes au travers du regard des autres (5) (6).
C’est comme si, dénoncées par les modifications acoustiques et esthétiques de leur voix, elles avaient été condamnées d’avance par un jury populaire devant lequel elles devaient assurer leur défense par l’intermédiaire de leur avocat orthophonique.
CAS DE CHRISTIANE ET SOISIK : POING DANS LA GORGE ET GRIZZLY « ATOMISÉ »
Christiane, 68 ans, et Soisik, 37 ans, partagent la particularité d’une parole corporelle qui a émergé sous la forme d’un trouble vocal (dysphonie), comme l’empreinte d’une expérience qui n’a pas pu être intégrée à la vie psychique au moment où elle s’est produite. Une prédiction funeste de récidive cancéreuse formulée par la Pythie médicale a littéralement « étranglé » la gorge de la première, tandis que des sous-entendus douteux et blessants de collègues bien-pensants sont restés « en travers » de la gorge de la seconde. Le corps de Christiane, qui a dit sans être entendu et qui a entendu sans pouvoir rien dire, a parlé avec ce poing dans la gorge qui l’étouffait de plus en plus, au point de réduire sa voix au silence.
Une séance d’hypnose formelle, avec induction par la respiration puis installation dans sa « safe place » et suggestions post-hypnotiques amnésiantes spécifiques, a permis à cette patiente de retrouver voix au chapitre en oubliant l’effet nocebo des mots prononcés si maladroitement par des soignants. Le corps de Soisik a inconsciemment manifesté son mécontentement muet sous la forme de cette « voix-ourse » au timbre éraillé et sourd qui ne pouvait, lui, que se faire entendre. Un portrait chinois de sa dysphonie (un grizzly, une râpe à fromage, du vert « hideux », du froid, de la musique rap « la plus pénible »), associé à la technique éponyme dite « des mains de Rossi », a permis à Soisik de retrouver la clarté de sa voix tout en devenant sourde à celles, médisantes, de ses collègues. Guidée par la musique de ma propre voix, elle a con - sciencieusement râpé chacune des griffes et chaque oreille de ce grizzly posé dans la main, celle qui avait été choisie. Puis, avec une jubilation communicative, la patiente a « atomisé » (sic) ce qui restait du grizzly ; intérieurement d’abord, avec de la musique rap diffusée directement dans les conduits auditifs (les pavillons ayant été râpés...), puis extérieurement par un vent glacial venu du tréfonds de son imagination, qu’elle a soufflé à s’en époumoner sur cette main, envoyant hors de vue et hors d’atteinte les particules invisibles du grizzly joyeusement vaincu.
CAS DE CÉLINE : L’HYPNOSE POUR OUVRIR LES « ÉCLUSES VOCALES »
La véritable énigme réside finalement dans l’expérience hypnotique avec Céline, jeune femme active de 39 ans, souffrant d’une pathologie tout aussi énigmatique : un syndrome d’adduction paradoxale des cordes vocales**. La patiente s’est très peu livrée, en restant scrupuleusement dans le cadre de ce qu’elle avait décidé de me dire, et surtout de me taire. Pour autant, et malgré ses résistances pré et post-hypnotiques, Céline est bel et bien entrée….
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Blandine ROSSI-BOUCHET Orthophoniste, auteure de l’ouvrage « La douleur en pratique orthophonique », enseignante au CFUO (Centre de formation universitaire en orthophonie) de Bordeaux ainsi qu’au DIU Hypnose de Bordeaux où elle a été formée. Elle est responsable Formation et Ethique de l’association Hypnose33 Ecole bordelaise ericksonienne, et animera une master class lors du 13e Forum de la CFHTB qui aura lieu du 15 au 18 mai 2024 à Bordeaux.
Auteure de Syndromes d’Ehlers-Danlos: errance du douloureux chronique
et de HypnoPhonie® De l'orthophonie saupoudrée d'hypnose. Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°66
Voir son profil sur hypnose-formation.fr
Pour ses vingt ans, la Princesse rêvait de devenir mannequin et de rencontrer le Prince Charmant sur son cheval blanc avec qui elle se marierait et aurait beaucoup d’enfants.
Pour ses trente ans, la Princesse devint la reine des podiums et autres défilés, la muse de créateurs célèbres et la déesse des nuits de la capitale de son royaume...
Pour ses quarante ans, elle enchaîna les amants, ne voyant toujours pas venir le moindre cheval blanc, vivant seule dans son palais d’argent et rêvant qu’un nouveau jour se lève... Son voeu fut enfin exaucé pour ses cinquante ans, sous les traits d’un prince trop jeune et trop charmant pour la Princesse remplie d’espoir qui, hélas, crut en cette dernière chance. Ils vécurent heureux dans son palais d’argent jusqu’au jour où la Sorcière AVC lança un puissant sortilège sur la Princesse, soudainement transformée en une pauvre Poupée de cire brisée et à moitié paralysée, aux cheveux grisonnants, au teint blafard et au sourire tordu. Par amour pour elle, le Prince conduisit promptement sa Poupée de cire à l’abri des regards peu amènes et des critiques mondaines dans un manoir de la forêt des Pins enchanteurs. Ils y vécurent cachés jusqu’à ce que la Poupée de cire perde le son, assurément victime de la terrifiante Aphonie, maléfique cousine de la Sorcière AVC...
« La Princesse, brisée par cette coupure de son, trouva la force d’aller pleurer son malheur auprès du Grand Magicien de la Forêt enchantée ; Merlin, dont les sortilèges étaient impuissants à délivrer la Princesse désenchantée de ce sort maléfique, lui recommanda de se rendre chez la Fée des Mots. La Princesse désespérée, emplie d’un espoir nouveau, se rendit ainsi semaine après semaine chez la Fée des Mots. Celle-ci déploya de nombreuses baguettes, usa de toutes les incantations ensorcelées et autres formules magiques ancestrales. En vain... la Poupée de cire restait tristement sans le son. En dernier ressort, la Fée des Mots alla quérir Morgane, la Puissante Ensorceleuse. Elle seule était capable de lever le sortilège maléfique, par le pouvoir psychanalytique de sa baguette taillée en bois freudien. Quelques mois plus tard, la Princesse revint chez la Fée des Mots pour lui conter la fin de l’histoire. Alors que Morgane recherchait toujours les ingrédients rares pour concocter la potion magique de délivrance vocale, la voix de la Princesse revint comme par magie en un jour sombre. Son cri fut si puissant qu’il s’entendit dans tout le royaume. Morgane, alertée, vola immédiatement à son secours. Elle arriva juste à temps pour empêcher le Prince plus si charmant, mais devenu très violent, d’étrangler sa Poupée de cire princière, lui qui l’avait, durant toutes ces années, maltraitée et trompée avec la jeune et jolie mais désargentée Cendrillon... tout en profitant très largement du palais d’argent et surtout de tout l’argent de l’infortunée Princesse. »
Ce conte pas du tout féerique est hélas inspiré d’une histoire vraie. Vingt-cinq ans de pratique clinique m’ont amenée à en entendre de nombreuses autres, en version originale ou sous-titrée, tandis que les formules orthophoniques orthodoxes étaient impuissantes à aider toutes ces voix qui me contaient leurs tristes sorts. Le monde est hélas plein de ces princesses mais surtout de ces pseudo-princes, chevaliers, laquais ou valets qui ne sont pas plus sages... et qui parfois se transforment non pas comme le Prince Charmant en inoffensive grenouille, mais en bourreau, boxeur, harceleur ou encore manipulateur, simplement par la puissance de leur propre pouvoir de malfaisance. « Résultat de l’alchimie entre le corps et la pensée, la voix est le reflet de la personnalité et de la vérité de chacun. Elle reflète nos états d’âme, les cicatrices de notre existence » (1).
Si la voix est en réalité bien plus qu’un banal instrument à vent et à cordes qui prend corps dans une caisse de résonance, mon rôle en tant qu’orthophoniste-luthier ne peut et ne doit pas se contenter d’intervenir sur cet instrument-voix désaccordé uniquement pour le réparer et le remettre, comme il se doit, dans le droit chemin...
La voix s’incarne littéralement dans notre corps, en tant qu’« instrument corporel qui fonctionne par un geste » (2) ; « tout le corps parle » (3). L’ensemble du corps permet en effet de dire, la voix est produite par un corps en mouvement ; elle est elle-même un mouvement, qui permet non seulement de dire, mais de se dire. Il est aisé de comprendre que la peur de se révéler, de se dévoiler ou d’exprimer ses émotions peut entraîner une restriction du mouvement et une limitation concomitante de la phonation. Et, si l’on considère que mouvement et vie sont intimement liés, alors il est possible d’envisager cette restriction comme un blocage du libre flux vital. C’est ainsi que j’accompagne sur le chemin de la liberté retrouvée de vraies princesses, emprisonnées dès leur naissance dans des corps de faux princes charmants, tout au long de la transe-formation d’une chenille poilue en un papillon majestueux, jusqu’à la naissance tant attendue de la voix délicate assortie à la robe de bal et aux pantoufles de vair...
Toutes ces voix cassées, brisées, spasmées, parfois muettes, faussées ou contrariées, ont toutes pour point commun de présenter des manifestations somatiques de blessures psychologiques. Et à propos de voix, celles de trois patientes résonnent singulièrement dans ma mémoire, comme une drôle de petite musique, porte-paroles des dysphonies dysfonctionnelles, ces pathologies dissonantes de la triade corps-voix-émotions. Christiane, Soisik et Céline étaient chacune atteinte de « sclérose en place »* vocale devenue vitale. Ces trois voix ont été prises au piège des tensions psychiques qui créent des tensions musculaires et malmènent la voix (4).
Cet engrenage néfaste a conduit au malmenage de l’instrument, mais également à sa dissonance : ces altérations vocales ont empiété sur la vie sociale de ces femmes, perturbé l’image d’elles-mêmes au travers du regard des autres (5) (6).
C’est comme si, dénoncées par les modifications acoustiques et esthétiques de leur voix, elles avaient été condamnées d’avance par un jury populaire devant lequel elles devaient assurer leur défense par l’intermédiaire de leur avocat orthophonique.
CAS DE CHRISTIANE ET SOISIK : POING DANS LA GORGE ET GRIZZLY « ATOMISÉ »
Christiane, 68 ans, et Soisik, 37 ans, partagent la particularité d’une parole corporelle qui a émergé sous la forme d’un trouble vocal (dysphonie), comme l’empreinte d’une expérience qui n’a pas pu être intégrée à la vie psychique au moment où elle s’est produite. Une prédiction funeste de récidive cancéreuse formulée par la Pythie médicale a littéralement « étranglé » la gorge de la première, tandis que des sous-entendus douteux et blessants de collègues bien-pensants sont restés « en travers » de la gorge de la seconde. Le corps de Christiane, qui a dit sans être entendu et qui a entendu sans pouvoir rien dire, a parlé avec ce poing dans la gorge qui l’étouffait de plus en plus, au point de réduire sa voix au silence.
Une séance d’hypnose formelle, avec induction par la respiration puis installation dans sa « safe place » et suggestions post-hypnotiques amnésiantes spécifiques, a permis à cette patiente de retrouver voix au chapitre en oubliant l’effet nocebo des mots prononcés si maladroitement par des soignants. Le corps de Soisik a inconsciemment manifesté son mécontentement muet sous la forme de cette « voix-ourse » au timbre éraillé et sourd qui ne pouvait, lui, que se faire entendre. Un portrait chinois de sa dysphonie (un grizzly, une râpe à fromage, du vert « hideux », du froid, de la musique rap « la plus pénible »), associé à la technique éponyme dite « des mains de Rossi », a permis à Soisik de retrouver la clarté de sa voix tout en devenant sourde à celles, médisantes, de ses collègues. Guidée par la musique de ma propre voix, elle a con - sciencieusement râpé chacune des griffes et chaque oreille de ce grizzly posé dans la main, celle qui avait été choisie. Puis, avec une jubilation communicative, la patiente a « atomisé » (sic) ce qui restait du grizzly ; intérieurement d’abord, avec de la musique rap diffusée directement dans les conduits auditifs (les pavillons ayant été râpés...), puis extérieurement par un vent glacial venu du tréfonds de son imagination, qu’elle a soufflé à s’en époumoner sur cette main, envoyant hors de vue et hors d’atteinte les particules invisibles du grizzly joyeusement vaincu.
CAS DE CÉLINE : L’HYPNOSE POUR OUVRIR LES « ÉCLUSES VOCALES »
La véritable énigme réside finalement dans l’expérience hypnotique avec Céline, jeune femme active de 39 ans, souffrant d’une pathologie tout aussi énigmatique : un syndrome d’adduction paradoxale des cordes vocales**. La patiente s’est très peu livrée, en restant scrupuleusement dans le cadre de ce qu’elle avait décidé de me dire, et surtout de me taire. Pour autant, et malgré ses résistances pré et post-hypnotiques, Céline est bel et bien entrée….
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Blandine ROSSI-BOUCHET Orthophoniste, auteure de l’ouvrage « La douleur en pratique orthophonique », enseignante au CFUO (Centre de formation universitaire en orthophonie) de Bordeaux ainsi qu’au DIU Hypnose de Bordeaux où elle a été formée. Elle est responsable Formation et Ethique de l’association Hypnose33 Ecole bordelaise ericksonienne, et animera une master class lors du 13e Forum de la CFHTB qui aura lieu du 15 au 18 mai 2024 à Bordeaux.
Auteure de Syndromes d’Ehlers-Danlos: errance du douloureux chronique
et de HypnoPhonie® De l'orthophonie saupoudrée d'hypnose. Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°66
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Catégories: Hypnose Paris,EMDR,Thérapie Brève Paris